Mon premier Halloween

Par Flannie • 30 oct, 2008 • Catégorie: Ma minute Bridget

Je garde un souvenir très amusé de ma toute première fête d’Halloween. Je venais d’arriver en Angleterre. Mes bagages n’étaient pas encore ouverts que je rencontrais mes colocataires. La première me tendit une tasse de thé fumante, la deuxième un catalogue de costumes tandis que les garçons étaient déjà légèrement éméchés. J’avais du mal à retenir les noms de chacun, leurs accents, leurs questions. Tout ce que j’avais compris, c’est que je rangerai ma chambre plus tard. Nous devions aller de toute urgence au costume shop de la ville voisine. Au milieu de l’attroupement général, je n’ai pas vu Brett partir avec les mâles de l’appart. Je me suis retrouvée enveloppée par deux gros bras fort décidés et poussée jusqu’à l’arrêt de bus. Là, Brett parvint à s’éloigner de la foule et me prit dans ses bras. Enfin ! J’attendais cet instant depuis si longtemps que je n’ai pas mesuré la longueur de notre baiser. Quand j’ai fini par tourner la tête (je ne suis pas Jaques Mayol non plus), j’ai vu les deux filles tirer des têtes de merlans frits.

- You’re in England, now ! me rappela un grand italien en s’esclaffant.

- You really do that in France ? me demanda le petit ami d’une des filles.

Je ne comprenais pas vraiment jusqu’à ce que Brett leur explique que les Français, en effet, s’embrassaient partout sans se soucier du regard des autres. Et moi qui croyait être pudique !

Dans le bus, j’ai finalement compris qui était qui et avec qui surtout (question de survie chez les filles). Les paysages défilaient, des parcs, des forêts, des centres commerciaux. J’apprenais qu’en Angleterre la nature était partout, même dans les centres urbains les plus improbables. Ca me plaisait. J’étais ravie. Ravie aussi de retrouver Lord Brett Paclair avec qui j’espérais pouvoir vite passer un moment seuls. Soudain, une monstrueuse odeur agressa mes narines. Aucune poissonnerie, aucun ruisseau à l’horizon. Les fenêtres du bus étaient fermées de toute façon. C’était une odeur infecte. Apparemment, j’étais la seule à l’avoir sentie car les autres mangeaient tranquillement.

- T’as rien senti ? demandais-je à Brett à l’oreille (je n’étais pas encore habituée au fait que personne ne comprenait le français autour de nous)

- Quoi ?

- Mais ça ! Cette odeur pourrie !

- Ils mangent des chips.

- Mais non, c’est une odeur de… berk ! On dirait, tu sais… comme l’odeur des parties intimes d’une femme qui ne se serait pas lavée après avoir fait l’amour.

- Ah, tu connais ça, toi ? me répondit-il d’un air amusé

- Oh, tais-toi !

Je me suis mise à puiser dans les paquets de chips qu’on me tendait comme autant de paquets de bonbons aux parfums tous différents : l’un était au poulet, l’autre au bacon, un autre encore aux pickles, au cheddar… Ce n’était pas mauvais, pensais-je en en portant un dernier à ma bouche. J’eus un haut-le-cœur. Le garçon qui m’avait tendu ce dernier paquet de chips me regardait d’un air bienveillant. J’essayais de sourire mais j’avais l’impression de manger du sexe. C’était horrible. Horrible pour moi, enfin, car lui semblait fortement apprécier. Saveur Prawn cocktail. Je n’oublierai jamais. C’était mon premier rapport avec la junk-food anglo-saxonne et déjà je relevais une contradiction chez nos amis anglo-saxons : ils ne pouvaient s’embrasser dans un bus mais ils ne voyaient aucun inconvénient à y manger des chips qui sentaient le sexe à des kilomètres à la ronde.

Au costume shop où nous nous sommes rendus quelques minutes plus tard, j’étais émerveillée de voir que tant d’adultes se prêtaient au jeu du déguisement pour faire la fête. Ici, en France, dès qu’on atteint la puberté, la seule chose dans laquelle on veut encore bien se déguiser, c’est en gravure de mode. Là, il y avait de tout : du pirate, de la fée taille XXL, des dents de vampire, des casques de viking, des tenues de sorcière, de super-héros… Au milieu de tous ces costumes démentiels, j’hésitais entre une tenue de sorcière – à cause du chapeau pointu – et une tenue de vampire. J’avais envie d’essayer mais mes doigts sentaient si fort le poulet au vinaigre et … (bon, je n’irai pas plus loin, tout le monde a compris) que je me suis d’abord planquée dans un petit coin et me suis essuyée les doigts – que dis-je ! - arrachée la peau des doigts entre deux pans de velours rouge et noir. C’était une sorte de costume de coccinelle. Le ventre et le dos étaient tendus par des arceaux recouverts d’un épais velours rouge pavé de grosses pastilles noires. Dessous flottaient des collants noirs ridiculement fins. Le costume était très sympa mais ne se prêtait guère à une soirée d’Halloween. En plus, maintenant, cette coccinelle sentait aussi bon que si elle s’était accouplée avec poulet.

- Do you really fancy this one ? me demanda la coloc qui m’avait offert ma première tasse de thé à l’appart.

- Well…

Malgré moi, je suis devenue toute rouge. J’avais honte d’avoir couvert cet innocent insecte de chips pourri. Ma coloc l’avait-elle vu ? J’espérais que non et, pour détourner son attention, je lui ai demandé ce qu’elle avait choisi. Un costume de sorcière, bien sûr. L’autre fille aussi. Je ne savais pas si elles apprécieraient ou non que je les copie alors j’ai abandonné l’idée de porter un chapeau pointu et me suis dirigée vers les costumes de vampire. Les garçons étaient en plein dedans, concentrés comme je n’avais encore jamais vu de garçons concentrés pour s’habiller. Je rêvais de porter une chemise à jabot. Je savais bien que c’était des costumes masculins mais j’avais un petit faible pour le look dandy assoiffé de sang. Entre deux chemises blanches à volants, une tête surgit avec deux énormes dents pointues recouvertes de sang – enfin de faux sang. Je me suis mise à hurler. Brett – car c’était bien lui le farceur – éclata de rire.

- Tu ne vas quand même pas t’habiller comme un mec ? me gronda-t-il gentiment.

- J’y songeais justement.

Finalement, une idée germa dans mon esprit. Puisque cette nuit allait être notre première nuit ensemble depuis des lustres, autant faire qu’elle soit mémorable. Du coup, je me suis dirigée vers les costumes très sexy de Catwoman et autres héroïnes félines respirant le sex… appeal à des kilomètres. Je n’étais pas une bombe mais je n’avais pas encore eu d’enfant à l’époque. Les collants moulants ne me faisaient pas peur mais le côté noir ultra glamour ne me ressemblait pas beaucoup. J’ai tant tergiversé que l’estomac des garçons criait famine. Au final, j’ai opté pour un costume moulant mais pailleté et argenté avec des manches chauves-souris rouges et une capuche intégrée. C’était sensé être un costume de chauve-souris mais qui paraissait plus gentil à porter que les autres.

Le soir venu, j’ai enfilé mon costume avec l’excitation de la gamine qui se rendait à sa première surprise party. Dans le col, j’ai trouvé une petite surprise : une cagoule pailletée ornée de deux petites oreilles rouges. Une fois le costume enfilé, je me suis sentie diablement à l’aise dedans mais je ne pouvais me voir car nous n’avions pas encore de miroir dans la chambre. Il fallait pour cela que je me rende dans la salle de bain où j’avais vu un miroir en pied trôner près de la douche. Avec la fébrilité d’une jeune mariée, j’ai ouvert la lourde porte de notre chambre et glissé la tête : personne à l’horizon. Vite, je me suis faufilée et… Dadam ! La porte du couloir s’est ouverte sur un groupe de garçons armés de bières, beuglant à tout-va des trucs que je ne comprenais pas. L’un d’entre eux s’est arrêté pour faire connaissance. Je me suis dit « chic ! Je plais dans cette tenue ! » Brett s’est approché. J’en ai profité pour filer m’enfermer dans la salle de bain. Il ne fallait pas qu’il me voit. Pas encore. Pas tout de suite. Pas avant moi. Pas… Ca y est, j’étais face au miroir.



Sur le lavabo, un masque de Scream oublié par un garçon. Dans le miroir, le rejeton de Tinky-Winky et Travolta dans Saturday Night Fever. C’était moi. Pas de doute là-dessus. C’était bel et bien moi avec mes bonnes joues et mes frisettes qui débordaient de la cagoule un peu trop serrée. Avec les petites oreilles rouges, je n’avais pas l’air d’une chauve-souris mais d’un nounours. Côté corps, ça pouvait aller mais j’étais plus dans les arrondis que dans la liane attitude. Un vrai bisounours en paillettes.

(Comprenez que je n’ai rien contre les Bisounours. Je serais d’ailleurs ravie aujourd’hui de pouvoir à nouveau rentrer dans un tel costume moulant mais à l’époque j’avais 22 ou 23 ans, Lord Paclair était plus attiré par Adriana Sklenaříková - alias Karembeu - que Tinky-Winky et je désespérais de devenir vraiment sexy…)

Je ne savais pas trop quoi faire. Enfiler le masque de Scream par-dessus ? Je l’ai fait. Même ça, c’était ridicule. Découdre les oreilles ? Nan, c’était une location. Retirer la cagoule ? C’était la solution la plus simple mais, dans ce cas, je ressemblais juste à l’assistant d’un superhéros qui revenait de son jogging (j’avais des baskets aux pieds). J’ai remis une couche de mascara bien noir et suis partie en quête de mes bottines dans mes bagages. Je me maudissais pas ne pas avoir emmené des escarpins mais aurais-je seulement su danser avec ?

Au salon, la fête allait bon train. Quand je suis sortie de la chambre, le même garçon qui m’avait accosté au début m’a offert un verre – verre que j’ai bu d’un trait tellement j’étais anxieuse puis le cri arriva – un cri typiquement féminin, typiquement anglo-saxon :

- Yoooooooooooooooooooou’re so cuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuute ! s’écria une des colocs.

Tout le monde s’est retourné. J’ai vaguement tenté de sourire mais mes joues étaient coincées dans la cagoule. Je suis devenue aussi rouge que les oreilles de mon costume. Mon coloc italien s’est vautré de rire entre les coussins du canapé. Brett me regardait avec amusement. Il n’est pas venu jusqu’à moi. J’ai dû traverser toute la pièce pour qu’il me répète à son tour :

- Rhôôô comme tu es mignonne !

Il était déjà éméché et le « rhôôô » sonnait plus comme une moquerie que comme un compliment. Néanmoins, j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis rendue avec la troupe (rectif : au milieu, bien au milieu de la troupe) à la soirée d’Halloween au pub étudiant. Personne n’a ri en me voyant. C’était déjà çà. Il y avait tant de gens costumés et maquillés que je m’émerveillais de l’imagination de la plupart des jeunes qui m’entouraient. Peu à peu, sous l’influence de la fête et de l’alcool, je me suis détendue. Avec mes nouveaux collocs, je me suis même inscrite au concours de costumes. Je me souviens aussi avoir eu une discussion mémorable avec mon coloc italien sur ce que les hommes attendaient des femmes. Selon lui, la plupart des mâles s’attendaient à ce que leurs compagnes ressemblent à des anges en public et à des garces une fois dans l’intimité de la chambre. Connaissant certains types, son argument tenait la route même si quelques anglaises bien pensantes étaient outrées de ses dires. Je pensais surtout que si je voulais plaire à Lord Sinclair une fois de retour à l’appart, j’avais tout intérêt à me débarrasser du costume de bisounours. Aux toilettes, j’ai entendu un petit groupe de français se moquer de la soirée. Par la suite, j’ai compris que les français qui se retrouvaient en groupe à l’étranger aimaient tout dénigrer. A l’époque, je ne le savais pas encore. Aussi ouvris-je grand mes oreilles tandis que je me passais de l’eau froide au visage pour calmer mes satanées rougeurs. Les anglais ne savaient pas se tenir. Les anglais étaient stupides. Les anglais se déguisaient n’importe comment Les anglais n’avaient aucune classe. La preuve ? La pauvre fille devant les lavabos.

Euh… la pauvre fille… c’était moi. Merde ! J’avais envie de riposter mais une petite voix intérieure, plus forte que mon agressivité guidée par l’alcool, me murmura de faire comme si de rien n’était pour les avoir plus tard. Je suis ressortie furieuse contre mes compatriotes. Un type me sauta dessus dans un râle horrible, tenant tant bien que mal de me sucer le sang avec ses dents en plastique. C’était drôle mais j’ai quand même frissonné. Des sorcières sérieusement bourrées commençaient à faire un concours de strip tease en dansant autour de leurs balais. Certaines étaient vraiment sexy, d’autres pathétiques tant elles ne tenaient pas de bout. La soirée défila ainsi à une vitesse accélérée jusqu’à ce que le prix du costume le plus horrible fut attribué à un garçon qui était venu avec un t-shirt déchiré et un maquillage à faire peur. Il s’était dessiné des cicatrices sur les joues et collé un faux œil boursouflé. Tout dans la simplicité mais la simplicité efficace car il faisait très peur. On passa ensuite au 2e prix, et au 3e puis le DJ présenta les 3 costumes les plus originaux et enfin ceux qui ne faisaient peur à personne (= les plus pitoyables). J’étais tranquillement affalée sur un canapé quand un spot se dirigea brutalement vers moi. Agressée par la lumière, je suis restée quelques instants bouche bée avant que quelqu’un me tire par le bras et m’entraîne vers la scène. Devant une foule d’étudiants aussi – et même plus – ivres que moi, j’ai reçu un t-shirt et une autre pinte. Je ne savais pas si je devais rire ou pleurer de honte. Tout ce que je sais, c’est que, comme d’habitude, j’étais rouge comme une tomate et que j’ai passé le reste de la nuit, non pas à jouer à Catwoman dans les bras de Lord Paclair mais à vomir aux toilettes pendant qu’il me tenait la tête.

Et votre premier Halloween, il était comment ?

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6 Réponses »

  1. ”

    Le parfum des chips au vinaigre me rappelle mes séjours linguistiques en Angleterre quand j’étais pipite
    ;-) so british !
    Ce sont surtout les fêtes d’Halloween de mes enfants dont je me souviens… je me souviens surtout qu’ils nous pourrissaient la vie ce soir là car ils voulaient un déguisement, ils voulaient que j’achète une tonne de bonbons, ils voulaient sortir en bande dehors par nuit noire alors qu’ils avaient à peine une dizaine d’années….. bref, pour moi Halloween n’est pas une fête dans laquelle je me retrouve et cette débauche de choses horribles dans les magasins m’horripile ! je suis bien contente que le phénomène s’amenuise maintenant en France car j’ai l’impression que c’était juste une occasion supplémentaire de vendre encore et toujours …

  2. Super sympa ces souvenirs d’Halloween
    Mon seul souvenir est une grande fête organisée par mon cousin où on y était allé en famille et mon papa avait fait une allergie au maquillage…
    J’en parle brièvement dans mon billet du jour ;-)

  3. ahahahahahahahaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh

    l’horreur! les chips aux gouts incroyables. des fois je me demandais si c’était pas des atttappe-nigauts ou quelques blagues. comment est-ce possible de manger certaines choses?

    moi pas d’halloween, j’ai pas/plus l’age et quand je l’avais (l’age) y avait que le carneval pour se déguiser.

  4. Euh, je me suis retrouvée avec une robe de pin up ou quelque chose de ce genre, cousue par une amie, trop courte, trèèèèèèèès courte, j’avais mis des bas Dim, on y voyait le petit liseré, le décolleté était trop plongeant, il a donc fallu coudre un bout de robe au soutien gorge et éviter de trop bouger durant la soirée pour ne pas que ça craque.

    Je suis arrivée fagotée ainsi dans une soirée dansante et j’ai passé toute la soirée assise ou presque de peur de faire péter les coutures…

    Ô joie.

    J’ai décidé qu’après cette soirée, Halloween c’était terminé pour moi…

  5. @ PCR: J’ai beau savoir que c’est plus commercial qu’autre chose, j’aime beaucoup cette fête. En fait,j’aime tout ce quie st prétexte à se déguiser et s’amuser

    @ MISS BROWNIE: Oh le pauvre ! Je m’en vais lire çà !

    @ CHANTILLY: Certains de ces chips sont déjà arrivés en France (poulet, vinaigre….). Evite surtout surtout surtout les Prawn Cocktail. C’est infect. Pourtant, j’adore les beignets de crevette mais là, je n’ai pas ce qu’ils mettent dedans. Peut-être qu’il ne vaut mieux pas savoir ;-)

    @ ANGIE: Je vois. et je comprends.J’ai eu un peu le même problème avec les manches de mon costume de chauve-souris. J’avais peur de lever les bras pour ne pas péter la couture sous les aisselles. Du coup, je buvais mes pintes comme une petite mémé, les bras prêts du corps

  6. Je suis morte de rire : mais quel courage, quel courage !! Jamais je n’aurais osé, moi, sortir après m’être vue dans la glace et décrite comme tu l’as fait. D’ailleurs, ça fait très peu de temps que je me déguise. Euh.. d’ailleurs, c’était l’année dernière, car je vivais au pays du Carnaval, et j’ai vraiment vu de tout, ce qui m’a décoincée. En tout cas, bravo pour le récit et la plongée dans l’univers anglo saxon. J’adore Londres, mais là tout d’un coup, je suis bien contente d’être à Madrid !

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