Le théorème express
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J. Kazinski d'Amber Valetta d'Arto Paasilinna David bowie David A. Carter de Bette Midler de Bodil Bredsdorff de Dominique Loreau... éventuellement de Florian Denicourt de George (Brassens) de Grégoire Delacourt de Groove Armada de Jonas Bengtsson de la belle Tatjana Patitz de la bonne paire de jeans de la chemise blanche De la Chine De La cité interdite de la cosmétique de l'ennemie de la couleur de la famille de la freebox de la ganache de la ganache à la rose de la marque Abanico de la mère de la Mona Lisa de la mort de la musique de la petite robe noire de la pluie de la quarantaine de la rose de la trentaine de l'addiction de l'âge de l'allaitement de l'amour de l'art de la liste de l'école de l'économie de l'écrivain de la famille De l'éducation des jeunes filles de Leif Davidsen de l'enfance de l'épanouissement professionnel De Li Mei de l'internet de Lionel Duroy de l'opéra de l'organisation de l'orgasme de Marcel Moreau de Millenium De Nicolas Hulot de Per Olov Enquist de Peter Lindbergh de Stéphane Guillon déforestation déménagement des auteurs féminins des basiques de la garde-robe des changements de vie des codes vestimentaires des collants des costumes des croissants des culottes des fesses des fleurs des grands-mères Des hallalis dans les alleluias des haricots des hommes des humeurs matinales des jardins anglais des lunettes des mannequins des manteaux d'hiver Des pieds bandés des projets dans lesquels on ose enfin se lancer des rides des robes simples des sages-femmes des super-héroïnes des vacances dessin dictatures différences d'Ingrid Desjours Dominique Loreau Douces Angevines dove DSK du bio du chocolat du couple du départ de ceux qu'on aime du dernier homme bon du dressing d'automne du fantasme du fard du gel douche du Goncourt du grand Pierre Desproges du kunqu du lait du mascara Du métier de suivante du miel du Nouvel Obs du parfum du père du poids... des apparences du roman sentimental du salon du livre du sodium laureth sulfate du temps du Trésor Public du vernis à ongles d'un auteur émouvant d'un croque-monsieur d'un moment exquis d'une robe d'Ushuia Dyson eau pailletée école écriture éducation Egypte élégance Ella Fitzgerald emballages embruns Emir Kusturica enfance épilation épisiotomie Erik Izraelewicz et des saucisses Facebook famille fantasmes fantastique farine farines animales Federer féminisme Festival de Cannes Finepix xp30 fleur d'oranger Fondation Amisse framboises Franca Sozzani Francesca Kay François Dubet Franz-Olivier Giesbert fratrie Freebox revolution freeplug frisures Fujifilm gaffe gel douche gommage Grandir Greepeance Grégoire Delacourt groseilles H&M; 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mercredi
sept.142011

La dernière goutte de lait

…Va bientôt pendouiller comme une stalactite en formation sur le petit menton rond et luisant de Lulu. C’est ce qu’une sage-femme m’avait prédit. Non pas qu’elle se prenait pour Nostradamus mais, du haut de son expérience et de celle de ses amies, elle était venue me réconforter dans ma chambre le jour où j’avais enfin accepté l’idée que je n’avais pas assez de lait pour nourrir mon bébé.

Elle avait fait irruption dans notre bulle pastel avec sur le nez une paire de lunettes bleues, énormes, extravagantes et démentes comme seules l’ont été pour moi les années 80. Elles étaient si incroyables, ces lunettes, que, toute à mon baby blues, j’arrivais quand même à sourire et n’écoutais plus qu’elles.

Une fois qu’on a accouché, on est bien peu de chose face à nos amies les blouses. Heureusement, celle-ci laissait parler ses lunettes plutôt que ses manuels. Et ses lunettes (à qui j’avais momentanément prêté la voix de Bette Midler) m’avaient prédit que mon allaitement durerait 6 mois. Pas une goutte de plus.

Et la semaine prochaine, la Lulu aura 6 mois. Je commence à comprendre pourquoi je n’arrivais pas ces derniers temps à vous écrire cette note qui, initialement, a pour but de vous présenter un nouveau biberon très sympa qu’on m’a proposé de tester le trimestre dernier (le Biboz de BEABA).

En fait, j’ai peur. Pas du biberon car il plait beaucoup aux enfants (c’est un biberon à la tétine conçue pour prendre le relais de l’allaitement au sein. Les petits peuvent le retourner dans tous les sens, le lait ne coule pas. Il ne s’écoule que si le bébé la tête. Les couleurs sont hyper craquantes et la prise en main si douce et « ergonomique » que même Miette peut le saisir et donner le biberon seule à sa petite sœur). Il me plait aussi car il est d’une simplicité désarmante à nettoyer grâce à son fond arrondi.

J’ai peur du jour de la dernière goutte. La der des der (parce que 4 enfants, ça ne va pas être possible…). Je sais que l’amour d’une mère ne se compte ni en mesurettes de poudre lactée ni en nombre de tétées mais ces petits moments de fusion et de douceur, ces détours obligés par le sein pour sustenter ce petit corps à la peau de pêche sont comme autant de pauses et remises en phase avec le monde dans une journée.

Ce biberon donc (faut quand même que j’en revienne à mon mouton) m’a fait découvrir une chose que je ne soupçonnais même pas auparavant : c’est qu’il existait des biberons qui prenaient le relais du sein. Larges et douces, les tétines ne ressemblent plus en rien aux tétines de nos enfances. Si le lait s’écoule un peu trop vite à mon goût par ce nouveau Biboz, il n’en reste pas moins que la Lulu n’a pas eu une seule fois le hoquet après avoir bu. Quant à ma crainte de départ (à savoir : va-t-elle préférer le débit du sein ou du biberon ?), elle n’a pas eu lieu pendant 3 mois car la bébé a toujours préféré le sein.

Dans peu de temps, par contre, la cohabitation va prendre fin et seul Biboz sustentera la Lulu. Les lunettes de Bettle Midler avaient vu juste ;-)

 

A découvrir, pour les mamans qui ne connaissent pas encore, le Béablog, le blog des bonnes idées pour les mamans qui me rappelle, tiens que:
1) je n'ai toujours pas de parc pour la Lulu (oh, ça va, hein ? je l'ai au moins vaccinée)
2) je ne l'ai toujours inscrite aux bébés-nageurs et, à voir comme Miette nage comme une petit poisson dans l'eau, ça vaut vraiment le coup."

(Note intialement écrite le 17 août.)




 

 

mardi
sept.132011

Ce que toute penderie devrait contenir en automne

Pour kate Rose Morris au Telegraph, une penderie digne de ce nom ne pourrait à l'automne se passer d'un trench ni d'un sac à main, d'une petite robe noire et d'une jolie paire de ballerines, d'une chemise blanche et d'une bonne paire de jeans, d'une robe pull, d'un blazer noir ou du parfait t-shirt.

Pour Alice Watt (Elle UK), une penderie doit contenir 44 essentiels autour desquels n'importe quelle femme pourra se construire n'importe quelle tenue: une paire d'escarpins, une parka, une marinière, une bague "cocktail", un pantalon en laine, une veste en cuir, une "pencil skirt", un sac à main noir, un trench, une paire de chinos, une chemise en soie, une paire de bottines, un manteau camel, une longue robe, des sequins et des mocassins, une pochette, une paire de jeans colorés, un haut en cuir, une veste en jean, un carré, des chaussures de marche, une robe de cocktail, un t-shirt confortable, une robe fourreau, une jupe en cuir, un pull à col roulé, une paire de bottes, une besace, un blazer, des brogues, une chemise blanche, un cardigan, une jupe longue, un chapeau, des sandales compensées, une robe pour le thé, une ceinture, une paire de jeans et de ballerines, un pantalon noir, une petite robe noire, une paire de baskets et un haut sans manche.

J'aime les choix des "fashion editors" anglo-saxons. D'une manière générale, et peut-être pour une question de climat, elles savent mêler pratique et fantaisie.

Dans ma penderie, par contre, il ne reste plus grand-chose, hormis une envie furieuse de ne plus me vêtir comme un sac à patates qui court de cintre en cintre. J'ai deux ou trois pièces estivales et colorées ni trop amples ni trop cintrées dont une tunique aussi jolie en été qu'en automne sur un legging, une paire de pulls boulochés qui ont le mérite suprême de rendre les rondeurs désirables (si, si, c'est possible... et c'est pourquoi je les porte même avec leurs bouloches ;-)), trois pantalons en laine  mélangée exactement pareils, des jeans de grossesse qui baillent en me matant d'un air narquois chaque fois que j'ouvre la porte du placard... J'ai aussi une veste en cuir démente qui n'a malheureusement pu lutter contre mon nouveau tour de poitrine, un blazer de bien jolie facture qui me fait la gueule parce que je n'ai aucun pantalon à lui associer et des pantalons vraiment très beaux en taille 40 que je ne parviens pas à donner mais dans lesquels je ne risque pas de coincer ma croupe...

Bref, je me suis dit qu'avec une nouvelle rentrée une nouvelle rubrique s'imposait: la penderie d'automne où comment ne plus se ("me" en l'occurence) vêtir comme un sac (à moins de sortir de la cuisse de Florian Denicourt). Mon vieux pull se veut bien évidemment de la partie ;-) J'espère que les vôtres participeront également.

Si vous avez envie d'être de la partie, je vous donne rendez-vous tous les jeudis pour quelques discussions autour de nos bons vieux vêtements, nos coups de coeur, nos fétiches, des conseils, quelques doses d'inspiration - pas toujours compatibles avec nos budgets mais qui sauront nous faire rêver et nous insuffler à leur tour quelques nouvelles idées d'associations ou de coupes automnales. Du moins, je l'espère ;-)

 

A jeudi pour celles qui veulent être de la partie !

 

(PS: les fétiches qui veulent prendre le thé avec mon vieux pull en mohair peuvent lui écrire en utilisant l'adresse "contact" prévue pour les bavards de la fibre textile)

Bises à toutes et à tous


lundi
sept.122011

Mouture de théorème

35 bougies à peine soufflées à la va-vite, 35 auteur(e)s tout juste citées, 36 feutres et crayons de couleur laborieusement étiquetés, 31 jours pour perdre 3kgs (la mise est basse mais l'année est longue), 35 semaines pour poser les jalons d'une nouvelle vie... Que je le veuille ou non, cette rentrée me rappelle chaque matin que je me situe quelque part à mi-chemin entre mes thirsty thirties et les  roaring forties (les 40e rugissants).

Après un rapide bilan du type "3 enfants en 7 ans, 3 opportunités pro refusées, un appart trop petit pour 5 des rêves trop grands pour 2, un homme qui va imploser s'il reste à son poste et 3 jeans qui vont exploser si je ne perds pas de poids", j'ai proposé, suggéré, susurré, hurlé selon l'heure et l'humeur que cette rentrée serait celle du changement. Et pourquoi pas le mien... (je fais bien exprès de ne point apposer de point d'interrogation de peur de trouer la page avec mes questionnements).

Comme ils m'aiment, ils m'ont dit qu'ils me suivraient. Tous. Je n'ai plus qu'à.

Ai-je besoin de me demander si c'est une preuve d'amour ou de ras-le-bol professionnel de la part de l'homme ? Non, je vais faire comme Miette qui aimerait bien que cette nouvelle vie que papa et maman veulent construire soit près de la mer mais "que c'est pas grave si on peut toujours manger des saucisses".

Je vais essayer de ne pas trop me poser de questions. Et acheter un kilo de diots.

Ne vous étonnez donc pas si l'escarpin privilégie en cette rentrée des rubriques telles que "la mythologie du changement" ou "la théorie de la saucisse".

Après tout, tant qu'il y a des saucisses, rien n'est grave.

J'espère simplement que vous trouverez l'ensemble des nouvelles catégories à venir plus digeste et que mes questionnements actuels vous parleront quelque peu en cette rentrée.

Bises à toutes et à tous.

 

 

vendredi
sept.092011

Le retour aux codes (vestimentaires)

Ce matin, à 7h08 (je me suis endormie face à une horloge numérique), j’ai entendu les gnomes shooter dans leurs Lego et, tout en m’étirant, je leur ai demandé de me laisser dormir. Zut de flûte.

-         Mais maman, y a pas école ?

-         Hein ? Euh…. Ah si !

Je croyais que nous étions samedi et, une demie heure plus tard, tandis que je donnais un coup de brosse aux petits cheveux de Miette flottant par-dessus les bretelles de sa robe d’été et regardais Septpommes remonter son bermuda, je me disais que je n’arrivais pas vraiment à reprendre mes marques. C’est la rentrée mais on surfe toujours sur un air de vacances paresseux comme un nuage aoûtien traînassant par un beau dimanche matin. Oui, ce fameux nuage que vous regardiez par la fenêtre dimanche dernier sans réussir à vous extirper du lit, celui-là même qui a mis la journée à virer ses bourrelets ouatinés de votre champ de vision tandis que vous matiez le ciel en vous demandant s’il fallait préparer la rentrée avec diligence ou vous offrir un dernier vrai week-end de vacances.

Oui, ce même nuage.

Depuis, je dois bien admettre que, vestimentairement parlant, j’oscille sans cesse entre les tenues amples, légères, un tantinet (voire royalement) négligées de mon été et un nouveau questionnement sur les codes vestimentaires de cette rentrée, plus cintrés, rigoureux, moins olé.

Il y a quelques jours, j’ouvrais mes volets sur une passante aux airs de Tatiana Patitz, négligemment queuedechevalée (mais ne peut-on tout se permettre quand on est blonde avec des mèches cendrées ?). Elle marchait à grandes enjambées vers une nouvelle journée (de travail ?) dans une simple robe courte et noire, ample comme un vieux t-shirt qu’on a du mal à quitter le dimanche, avec des manches ballons, une paire de nus-pieds simples, tendance éthique.

Je me suis pris une bouffée de féminité d’été en plein nez et ai passé la journée à me dire qu’il me fallait une robe aussi simple dans mon dressing. Pourtant, ce midi, je rêve de rigueur, de pantalons au tomber impeccable, de vestes cintrées, de cols de chemise ultra-pointus et de manteaux mi-longs Burberry.

L’homme, après avoir traîné quelques jours dans son bermuda à carreaux et son grand t-shirt noir épais juste comme j’adore, m’a dit en revenant de conduire les bambins « j’ai beau être en vacances, il faut que je m’habille autrement si je veux m’activer un peu. »

A nouveau rythme, nouvelle dynamique dans la penderie ?

jeudi
sept.082011

La rentrée littéraire de ces dames

Certains diront que la rentrée littéraire 2011 est une des plus pauvres de ces dernières décennies, d'autres qu'elle est avare de premiers romans . D'aussi loin que se porte mon regard de lectrice, je ne me souviens pas avoir vu autant d'auteurs féminins couvrir de leurs histoires les étales de septembre.

L'automne du mot, en ce qui me concerne, est cette année, féminin pluriel.

N'ayant pu tout lire, je vous propose un petit tour - très personnel et non exhaustif - des belles plumes de cette rentrée en commençant par Sofi Oksanen dont Stock publie, après le succès de La Purge, le premier roman écrit par l'auteur mi-finlandaise, mi-esthonienne en 2003, intitulé Les vaches de Staline.

A découvrir également chez Stock:

Emma Donoghue avec Room, Brigitte Giraud et Pas d'inquiétude, Vanessa Schneider avec Le pacte des vierges, Dominique Sigaud (Franz Stangl et moi) et Laurence Tardieu avec La confusion des peines.

En rédigeant cet article sur les belles "plumées" de cette rentrée, je savais au départ que j'allais mettre de côté de beaux auteurs masculins (tel qu'Eric Reinhardt) mais je n'avais pas pensé à la difficulté de choisir entre telle ou telle écrivain(e) pour vous offrir ci et là quelques citations, extraits, couvertures de romans car, enfin, si cet article ne peut être un catalogue, il serait injuste de présenter certains auteurs naturellement mis en avant dans les médias par de récents succès plutôt que d'autres.

Chez POL, on découvre Clèves de Marie Darrieussecq, sélectionné par le jury France Culture et Télérama, et L'évaporation de l'oncle de Christine Montalbetti. Delphine de Vigan et Anne-Sophie Stefanini font leur rentrée chez JC Lattès avec Rien ne s'oppose à la nuit et Vers la mer (premier roman d'Anne-Sophie). Rien ne s'oppose à la nuit est un des livres qui m'a le plus marquée cette rentrée. aussi, je lui réserverai un article très bientôt. En attendant, je continue à vous présenter la myriade d'auteurs féminins qui éclaire cette année notre ciel de fin d'été: Lilyane Beauquel (Avant le silence des forêts, son tout premier roman), Laurence Cossé et Les amandes amères, Colette Fellous et son Amour de frère, Carole Martinez dont Du Domaine des Murmures est une invitation au voyage par-delà les mots et les murs, Catherine Millot (O Solitude) et Brina Svit avec Une nuit à Reykjavik chez Gallimard. Je n'oublie pas Sophie Fontanel qui se demande avec pudeur si on peut se cacher derrière un tout petit livre (en l'occurence, L'envie) chez Robert Laffont ni Amélie Nothomb, (Tuer le père) Eliette Abécassis (Et te voici permise à tout homme), Virginie Deloffre qui publie cette rentrée son premier roman, Léna, Valentine Goby (Banquises), Michèle Halberstadt avec La petite, Estelle Nollet avec l'excellent Le bon, la brute, etc et Patricia Reznikov avec La nuit n'éclaire pas tout chez Albin Michel.

A ce stade d'écriture, à me débattre avec les extraits et résumés des livres les plus alléchants de cette liste, j'ai eu une idée: vous les présenter tous en prenant de-ci, de-là, quelques phrases chez chacune pour confectionner un texte aussi improbable que beau, comme une robe de mille mots, aux pans, dentelles, coutures et guipures empruntés à d'autres vêtements pensés et portés par mille et une femmes différentes.

Ainsi Eleanore Catton (La répétition), Khadi Hane (Des fourmis dans la bouche), Céline Minard avec So Long, Louise chez Denoël, Michela Murgia aux éditions du Seuil avec son magnifique Accabador et Lydie Salvayre avec son Hymne, la fille au Latex (Etc), Margaux Guyon, Sigolène Vinson, Delphine de Malherbe qui choisit Colette comme personnage dans L'aimer ou le fuir,  les âmes chagrines de Léonora Miano chez Plon couplés avec Les revenants de Laura Kasischke chez Christian Bourgois ou encore Elise Fontenaille, dans son Palais de mémoire, Valérie Péronnet avec Jeanne et Marguerite, et Téa Obreht, l'auteur d'un fort remarquable premier roman, La femme du tigre, chez Calmann-Levy ont été comme autant de petites mains dans l'atelier de mon imagination (bien que je n'ai aucun extrait de Jeanne et Marguerite), sans oublier Véronique Ovaldé avec Des vies d'oiseaux et Shumona Sinha (Assomons les pauvres !)aux éditions de l'Olivier...

J'arrête ici cette liste - que je rappelle non exhausitve - pour vous présenter quelques unes de leurs phrases en me demandant, toutefois, comment, parmi autant de romancières, seulement 3 ont pu être retenues pour le Goncourt  (Carole Martinez, Delphine de Vigan - mes deux coups de coeur de la rentrée - et Véronique Ovaldé).

Mon bon et cher Mitia,

et toi ma douce Varia,

Le bonheur est-il comme la pâte dont on fait le pain, qui se lève, puis bientôt se rassit ? Me voilà désertée à nouveau, Vassili est reparti à la Base. Pauvres chers miens, n'êtes-vous pas lassés depuis tout ce temps que j'écris la même chose ? Pourtant, comme elle est claire ma vie, si je dis simplement cela :Vassili vient, puis il repart à la Base.

Et moi, je suis toujours au même endroit. Je travaille tous les jours au combinat, j'ai mon tablier bleu, les mains posées sur les genoux. Il me semble que petite, déjà j'étais de nature immobile.[1]

Je ne sais plus quand est venue l'idée d'écrire sur ma mère, autour d'elle, ou à partir d'elle, je sais combien j'ai refusé cette idée, je l'ai tenue à distance, le plus longtemps possible, dressant la liste des innombrables auteurs qui avaient écrit sur la leur, des plus anciens aux plus récents, histoire de me prouver combien le terrain était miné et le sujet galvaudé, j'ai chassé les phrases qui me venaient au petit matin ou au détour d'un souvenir, autant de débuts de romans sous toutes les formes possibles dont je ne voulais pas entendre le premier mot, j'ai établi la liste des obstacles qui ne manqueraient pas de se présenter à moi et des risques non mesurables que j'encourais à entreprendre un tel chantier.[2] 

Aujourd’hui, j’ai 5 ans. Hier soir j’en avais 4 quand j’ai été me coucher dans Petit Dressing, mais abracadabra ! il fait encore nuit et je me réveille dans Monsieur Lit avec mes 5 ans. Avant, j’avais 3 ans, et 2, et 1 an, et encore avant 0 an. « Est-ce que j’ai eu des moins que zéro ? 
– Hein ? » Maman s’étire de tout son long. 
« Quand j’étais au Ciel. Est-ce que j’avais moins 1, moins 2, moins 3 ans… ? 
– Mais non, les chiffres n’ont commencé que quand tu es tombé de là-haut.[3]

Ce matin, j'ai vidé les tubes de somnifères et tous les médicaments que Maman range en haut du placard de la salle de bains pour éviter qu'on y touche. Il m'a fallu cinq grands verres d'eau pour tout avaler. Ensuite, j'ai mangé une tartine, bu mon jus d'orange, et je suis partie à l'école.

Je n'ai rien dit à personne. Je ne suis ni abattue ni surexcitée. Je me sens sereine, comme on l'est quand on fait ce qu'on a vraiment envie de faire. Et moi, j'ai envie de disparaître.[4]

Mehdi est tombé malade quand nous avons emménagé dans la nouvelle maison. C'est moi qui avais relevé la boîte aux lettres ce jour-là, c'était un samedi matin. J'avais entre les mains l'enveloppe blanche petit format qui contenait des résultats d'analyses que nous ne saurions pas interpréter et qui allaient changer notre vie. Je marchais sur une planche de bois parce que le passage dans le jardin n'était pas encore fait et que le sol regorgeait d'eau.[5]

— Fiston, commença Rod Clements à l’adresse de Craig, je…

— Fais attention sur la route, papa. »

Ils  se  tenaient  au  milieu  du  trottoir.  À  quelques  mètres  de  là,  sous  un  réverbère éteint,  un  couple s’embrassait  avec  abandon.  Un  groupe  de  quatre  passants,  des  types  plutôt  laids,  se  divisa  pour dépasser le couple, se divisa derechef à hauteur de Perry, de Craig et de son père.

« Je t’aime, dit Rod Clements en attirant son fils à lui pour lui tapoter vigoureusement le dos.

— Moi aussi, je t’aime », dit Craig.

Leur étreinte dura au moins trois secondes, suffisamment longtemps pour que Craig remarque, flottant dans  un  ciel  bleu  encre  par-delà  l’épaule  paternelle,  suspendue  au-dessus  du  couple  d’amoureux  et bien au-dessus de l’endroit où le réverbère aurait dû luire, la lune, qui semblait soit de roche compacte soit de tendre chair humaine.[6]

Il  disait  qu’à  Clèves  on  n’a  pas  la  mer  mais

qu’on a un joli lac.

Il en grillait une avec Georges au Yacht Club. Sur le mur il y avait un calendrier avec des femmes nues.

Par  périodes,  aussi,  ils  se  garaient  dans  des

lotissements. Son père lui laissait les gâteaux et la radio et revenait plus tard.

Elle  regardait  l’eau  plate.  La  voiture  tremblait dans les rafales de vent. Elle ouvrait un peu la fenêtre. Le vent gris glissait au ras de l’eau. Il soufflait invisible sur ses joues.[7]

Que  cherchent  les  jeunes  filles  qui  s’attardent  à  la  terrasse  des  cafés,  solitaires  et rêveuses ? Elles ont un livre à la main qu’elles ne lisent jamais ou alors la première ligne de la première  page,  encore  et  encore,  puis  elles  entendent  un  rire,  une  ombre  passe  et  leurs  yeux  se détournent,  et  la  phrase  se  perd.  Mais  elles  ne restent jamais distraites trop longtemps, ni trop sérieuses. Ce sont des vagues, le flux et le reflux du doute et de la certitude, et elles s’en vont.[8]

« L'impatience heureuse des commencements. L'horizon est un cercle parfait, la mer est déserte, vide comme la page blanche qui m'attend, comme les jours à venir, avec juste le soleil et la mer, et les îles. Et le soleil se lèvera sur la mer, se couchera sur la mer. Je pourrai sortir le matin sur le pont le regarder se lever jusqu'à ce que l'aube grise devienne la rose aurore, et ensuite me rendormir, tout enclose dans la beauté du jour naissant. Le bonheur se confond avec la mer et le soleil et l'écriture à venir, les longues matinées d'écriture, le temps rendu à sa liberté. »[9]

À la foule qui l’écoutait, ce matin d’août 1969, à Woodstock, la musique de Hendrix parla vrai. Elle leva le déni autant que le mensonge et substitua au regard qui depuis si longtemps se dérobait devant l’insoutenable un regard qui, violemment, cruellement, l’affrontait.[10]

Antoine se tourna vers la salle de séjour où se trouvait Jérémie, ce frère avec lequel il n’était pas lié par le sang mais par la mémoire, ce qui comptait certainement davantage. C’était la première fois depuis tout ce temps que Jérémie voyageait hors du Continent, pour lui rendre visite dans l’Hexagone. Il aurait bien des choses à lui faire découvrir, espérait bien d’autres occasions encore, bien d’autres rassemblements familiaux. L’homme se sentait apaisé, presque heureux, savourait ce sentiment nouveau qu’il se promettait de faire fructifier.[11]

Gratteurs d'écailles dans une poissonnerie, vendeurs ambulants de montres de pacotille ou de statuettes en bois, journaliers payés au noir pour décharger des sacs d'un camion, hommes à tout faire d'un commerçant pakistanais qui revendait des pots de crème à l'hydroquinone censés procurer aux nègres l'éclat d'une peau blanche, la leur ne faisant plus l'affaire. Sur le marché Dejean, on trouvait de tout...[12]

Madame Izarra l’a accueilli en disant :

– Il est très tôt lieutenant.

Elle lui a souri. Elle avait les cheveux blonds, une coiffure compliquée qui semblait prête à s’effondrer, mais qui bien entendu ne s’effondrait pas, et un visage lisse et très pâle, délicatement plastifié, avec des pommettes hautes. On aurait dit qu’on avait mis de minuscules étais sous sa peau pour que ses pommettes puissent être aussi hautes. Ses yeux étaient beiges – impossible de qualifier plus justement la couleur de ses yeux, ils avaient adopté la teinte de sa carnation comme si trouver une autre couleur les avait épuisés et que cette demi-teinte un peu bizarre était ce qu’ils avaient pu faire de mieux.[13]

"Vous n'avez jamais eu envie d'apprendre à lire ? lui demande Édith.
  – Si, j' commencé !", dit Fadila. Il y a quelques années elle a été inscrite à un cours, dans une paroisse, pas très loin de chez elle – elle ne sait plus le nom de l'église. "J'laissé tomber". La responsable du cours l'a rappelée plusieurs fois, insistant pour qu'elle reprenne. "Elle dit j'arrive presque".[14]

– Et vous ? Vous êtes née ici ? Vous êtes partie tôt ? Vous êtes métisse ?

M’a demandé l’homme chargé de l’interrogatoire, celui que j’appelle monsieur K. depuis mon arrivée ici au commissariat, à cause de son nom de famille long et crissant que j’ai du mal à retenir.

– Qu’est-ce qui est tôt et qu’est-ce qui est tard ? Je peux passer ma vie ici sans appartenir à ce pays.[15]

Ma première fois, c’était différent. Je croyais que ce serait atroce, compliqué, sale et gluant. Je croyais que mes entrailles cracheraient du sang et que j’aurais deux fois plus mal au ventre. Je croyais que je n’y arriverais jamais, que je ne pourrais pas, que je ne voudrais pas, mais quand les premiers craquements de mes abdominaux me sont parvenus aux oreilles, mon corps en a décidé pour moi. Il n’y avait pas d’alternative.
C’était divin.[16] 

Il  y  avait  toujours  eu,  dans  la  présence  de l’oncle , dans la manière dont il se tenait dans la maison, dont il y portait son corps d’oncle en visite, et surtout quand il se postait sur la galerie extérieure, mains dans les manches de son kimono, et le regard enfoui  dans  ce  qui  ne  devait  pas  être  exactement le  jardin  (les  feuilles  elliptiques  du  plaqueminier, les frondaisons plumeuses des bambous, le dessous tomenteux du feuillage d’un paulownia), mais des images  intérieures  qui  se  laissaient  absorber  par la  végétation,  je  ne  sais  quoi  d’impénétrable,  qui émanait de son mutisme, de la façon dont les traits de  son  visage  alors  se  composaient  (une  absence, aussi, dans l’œil), comme s’il remuait en lui-même de  petites  choses  cachées,  obscures,  impossibles à  communiquer,  et  qui  ne  cessaient  de l’assaillir.[17]

La mère porte un des sacs de Sarah, Sarah a voulu un chariot mais la mère a refusé. Elle a besoin de sentir la bretelle lui forer l'épaule, y laisser une marque. Sarah marche la première, la mère suit Sarah. Derrière, Lisa shoote dans des papiers de chewing-gum roulés froissés, fait crisser les semelles de ses tennis. La mère n'entend que les pas de Sarah qui s'éloigne avec sa doudoune bleue serrée sur les hanches, le bonnet les gants de laine roulés dans la poche intérieure, l'écharpe pendouillant autour du cou. Elle voudrait faire un nœud, les pans traînent par terre mais elle n'ose pas, Sarah a vingt-deux ans.[18]

Fillus de anima.

c’est ainsi qu’on appelle les enfants doublement engendrés, de la pauvreté d’une femme et de la stérilité d’une autre. de ce second accouchement était née Maria Listru, fruit tardif de l’âme de Bonaria Urrai.[19]

Elle jette un autre coup d'œil sur le paysage autour d'elle. Mais ce n'est pas un paysage. Il n'y a pas d'arbres, pas de champs, pas de maisons… Il n'y a rien. On dirait la lune, ce chaos volcanique à perte de vue, cette étendue noire recouverte çà et là d'une mince couche de neige. Pourtant c'est bien elle qui a voulu venir ici. Il fera froid et la nuit sera longue. Si déjà il faut qu'elle paie, autant que ça dure le plus longtemps possible.[20]

Il paraît qu’une page de l’histoire se tourne dans un pays quand l’inattendu arrive. Je peux vous assurer, aujourd’hui, que, dans la vie d’une femme, un chapitre se clôt quand l’interdit surgit.[21]

Dans cette retraite, car cette fois je crois que c’en est une, j’ai tout loisir d’immobiliser le temps et de revoir, à l’ombre clignotante du grand saule qui balance entre le tertre et l’eau et couvre à la fois la barque et le ponton branlant, ma dernière copie.
J’ôte, je tranche, je précise et je puise dans les crêtes claires de ma mémoire, essayant de conserver, dans la brusquerie de leur apparition, la vigueur des sentiments dont je sais qu’ils m’ont traversée mais pour lesquels, parfois, je ne dispose que d’une métatrace, trace d’une trace, souvenir d’un souvenir, souvent lui-même appauvri.[22]

La clarinette, voyez-vous, est au saxophone comme qui dirait un têtard. Un spermatozoïde noir et argent. La clarinette est un spermatozoïde qui grandira et deviendra un jour saxophone, si on lui donne beaucoup, beaucoup d’amour.[23]

Au début, il y aurait d'abord eu cet homme, Franz Stangl, bon professionnel de la police autrichienne, embauché par l'Histoire dans la Gestapo, rapidement monté en grade : nommé en 1940 surintendant de police aux hôpitaux de Schloss Hartheim Autriche et Bernburg Allemagne : début des tests d'extermination du programme secret T4 sur des adultes et enfants handicapés, gazés au monoxyde de carbone. Puis le camp d'extermination de Sobibor en 1942 et celui de Treblinka ensuite, sa dernière promotion, comme commandant. [24]

Ses yeux pour qu’ils arrêtent il aurait fallu qu’il les arrache. Ça aurait changé sa vie. Quand on est un enfant on peut arracher les pétales d’une fleur les pattes d’une mouche le tissu des fauteuils mais pas ses propres yeux. Et quand on est un adulte eh bien il est trop tard…[25]

Pendant une longue période, qu'au fond je n'ai à coeur ni de situer dans le temps, ni d'estimer ici en nombre d'années, j'ai vécu dans peut-être la pire insubordination de notre époque, qui est l'absence de vie sexuelle. Encore faudrait-il que ce terme soit le bon, si l'on considère qu'une part colossale de sensualité a accompagné ces années, ou seuls les rêves ont comblé mes attentes - mais quels rêves -, et ou ce que j'ai approché, ce n'était qu'en pensée - mais quelles pensées.[26]

Je ne fais que raviver une envie de bonheur depuis longtemps renoncé, nous sommes un et nous sommes mille, et des millions, nous sommes un et tous et seuls. Rien ne permet plus de communiquer avec ceux que nous avons quittés. Toujours, dans ce trou qu'on nous a fait, restera notre silence.[27]

« Et maintenant, dans ce village d'Orient où j'ai failli mourir, voilà qu'il revient en me frôlant la joue et en me demandant d'être claire dès le début. J'aime l'odeur de tes lèvres, il disait. Mais tu n'es pas mon amoureux pour me dire des choses pareilles, je lui répondais en riant. Je me suis piégée moi-même à ce jeu de la mémoire aimantée et suis obligée d'accueillir les jours et les saisons qui se présenteront ici. »[28]

Tu t'es dégagé, légèrement surpris, mal à l'aise : tu ne voulais pas. Même ce matin-là, il ne fallait pas. Entre nous pas d'effusions. On ne dit pas la douleur. On ne dit pas l'amour. On en vibre, on en défaille, mais on les tait. On les cache.[29]

Tu n’es plus là, et moi j’erre dans mon palais de mémoire ; autrefois il était somptueux, je ne me lassais pas de l’arpenter… Depuis que tu es parti, toutes les pièces sont dévastées, il sent la mort et la fumée ; mon beau palais a brûlé, je n’y retrouve rien de ce que j’y avais laissé.

Parfois, tu le traverses en silence, l’ombre de ton faucon sur l’épaule ; je voudrais te parler, je tends les bras vers toi… mais tu t’en vas sans me voir.[30]

– Tu dis ça parce que tu es amer…

– Oui, je suis amer… Est-ce que ce n'est pas un sentiment normal à la fin d'une vie ?

– Je ne sais pas. Mais tu devrais faire confiance à tes plus mauvais rêves. Ils ont des choses à te dire, j'en suis sûr…

– Tu parles comme un oracle…

Markus a ri, franchement. Il a promené son gressin dans les restes de sauce, comme un scribe.

– Je ne sais pas si je parle comme un oracle, mais il me semble que tout est contenu dans nos inquiétudes. On peut y déchiffrer le monde entier. Dans nos angoisses, il y a l'essence même des choses. Il n'y a qu'à laisser venir… Il n'y a qu'à écouter…[31]

« Je suis l'ombre qui cause.
  Je suis celle qui s'est volontairement clôturée pour tenter d'exister.
  Je suis la vierge des Murmures.
  À toi qui peux entendre, je veux parler la première, dire mon siècle, dire mes rêves, dire l'espoir des emmurées. »[32]

Slim gris, un tee-shirt American Vintage et un gilet à boutons nacrés, me voilà toute d’innocence vêtue. Je me regarde de bas en haut dans la psyché, des mocassins iraient parfaitement avec le reste. Eye-liner en main, je me rapproche de mon reflet.

-         Une pute, je suis une pute, dis-je à mi-voix.

Je me mets à rire, ouvre ma base iPod en sélectionnant Midnight Boom des Kills. Puis j’allume une cigarette en faisant l’exploit de tirer un trait noir parfait au-dessus de ma paupière, la cigarette entre les lèvres.[33]

Au bout d'une heure et de quelques larmes versées surtout sur mon propre sort, je me retrouve à court de tabac.j'ai renoncé à tirer sur la corde. Je me vois déjà face au peloton d'exécution. Ou alors, au fond d'une petite grotte en Grèce. je réfléchis à un éventuel changement de nom. La nuit avance jusqu'à l'heure où les oiseaux s'éveillent, juste avant l'aube.[34]

Je n'étais pas maquillée ce jour-là. Mes cheveux étaient retenus par une queue de cheval, je ne portais pas de lentilles, mais des lunettes qui cerclaient mes yeux de fer. J'avais davantage l'air d'une étudiante que d'une femme de trente-huit ans. J'étais penchée sur les revues spécialisées et les nouveaux ouvrages que je m'apprêtais à ranger, lorsque j'entendis une voix, ou plutôt la musique d'une voix, une mélodie douce et grave, d'une grande justesse, harmonieusement posée :

– Je cherche un livre, disait-elle. Un livre à offrir. Un livre qui ouvrirait une porte. Ou en fait, plusieurs livres. C'est pour quelqu'un qui n'y connaît pas grand-chose. Mais je vous dérange peut-être ?[35]

 

 


[1] Virginie Deloffre, LENA

[2] Delphine De Vigan, RIEN NE S’OPPOSE A LA NUIT

[3] Emma Donoghue, ROOM

[4] Michèle Halberstadt, LA PETITE

[5] Brigitte Giraud, PAS D’INQUIETUDE

[6] Laura Kasischke, LES REVENANTS

[7] Marie Darrieussecq, CLEVES

[8] Anne-Sophie Stefanini, VERS LA MER

[9] Catherine Millot, O SOLITUDE

[10] Lydie Salvayre, HYMNE

[11] Léonora Miano, CES AMES CHAGRINES

[12] Khadi Hane, DES FOURMIS DANS LA BOUCHE

[13] Véronique Ovaldé, DES VIES D’OISEAUX

[14] Laurence Cossé, LES AMANDES AMERES

[15] Shumona Sinha, ASSOMONS LES PAUVRES !

[16] Sofi Oksanen, LES VACHES DE STALINE

[17] Christine Montalbetti, L’EVAPORATION DE L’ONCLE

[18] Valentine Goby, BANQUISES

[19] Michela Murgia, ACCABADORA

[20] Brina Svit, UNE NUIT A REYKJAVIK

[21] Delphine De Malherbe, L’AIMER OU LE FUIR

[22] Céline Minard, SO LONG, LOUISE

[23] Eleanore Catton, LA REPETITION

[24] Dominique Sigaud, FRANZ STANGL ET MOI

[25] Estelle Nollet, LE BON, LA BRUTE, ETC

[26] Sophie Fontanel, L’ENVIE

[27] Lilyane Beauquel, AVANT LE SILENCE DES FORETS

[28] Colette Fellous, UN AMOUR DE FRERE

[29] Laurence Tardieu, LA CONFUSION DES PEINES

[30] Elise Fontenaille, LE PALAIS DE MEMOIRE

[31] Patricia Reznikov, LA NUIT N’ECLAIRE PAS TOUT

[32] Carole Martinez, DU DOMAINE DES MURMURES

[33] Margaux Guyon, LATEX, ETC

[34] Téa Obreht, LA FEMME DU TIGRE

[35] Eliette Abecassis, ET TE VOICI PERMISE A TOUT HOMME