Coco Chanel : comment devenir un mythe : acte 1

Par Ninon • 26 fév, 2009 • Catégorie: A la une, Art et Culture, Mode

Coco et son destin

Nous avons vu comment Coco a échappé à son destin de petite cousette de province, et . C’est déjà beaucoup. Nous avons laissé Coco en plein succès : elle cesse d’être la femme entretenue qui fait joujou avec la mode et les dames de la haute société que ses amants lui font fréquenter pour devenir un peu plus que cela.
Mais un destin étrange et cruel marque son succès naissant d’un sceau amer : en 1919, Boy se tue en voiture, dans le Midi, alors qu’il rejoint sa femme légitime, enceinte de lui…. « Je perdais tout en perdant Capel », dit Chanel 50 ans plus tard. Mais elle a l’habitude de tout perdre. C’est le travail qui l’empêche de sombrer dans le chagrin.
Il semble, dès lors, qu’elle entame une sorte de course effrénée, de fuite en avant, dans le travail.
Elle annexe le 27, 29 puis 31 de la rue Cambon. Elle accumule les amants : le Grand Duc Dimitri Pavlovitch de Russie, le Duc de Westminster.
Paul Poiret, grand couturier d’avant guerre, l’accuse de transformer les femmes en « petites télégraphistes sous alimentées », à cause de son goût pour le dépouillement, la simplicité, les formes basiques. Il faut dire que son style perd en popularité après guerre, au profit de celui de Coco.

Naissance du mythe

Mais ce n’est pas tout : le mythe ne peut pas se construire ainsi. Car, qu’avons-nous, pour l’instant? Une femme de caractère, pleine de charme, avec un style fou, aux moeurs libres, élégante, décidée, qui crée des modèles de robes, de chapeaux, de bijoux. Fort bien. C’est suffisant pour en faire une personnalité d’exception, une créatrice. Mais Coco Chanel n’est pas une personnalité d’exception : c’est un mythe.
Que lui manque-t-il?
Pour l’instant, elle touche aux affaires, aux mondanités / à l’argent et à la bonne société – quoique de la main gauche ; c’est très bien. Mais il lui manque la petite touche qui transformera tout : l’esprit. L’art. Ce n’est pas le tout d’être mondaine, ce n’est pas le tout d’être riche : les arrivistes élégantes et intelligentes, de tous temps, ne manquent pas.
La solution va venir en 1919 de Misia Sert – une inconnue du grand public : une jeune femme noble, mais pauvre, arriviste, intelligente – une femme comme Coco, mais le génie créatif en moins. En revanche, elle a beaucoup de relations : elle est brillante, intelligente, mondaine, cultivée : épouse de Thadée Natanson puis d’un homme d’affaire créateur du Matin, et enfin d’un peintre, José Sert, elle fréquente le monde de l’art (elle est pianiste) , des intellectuels et des hommes d’affaires : parfaite pour s’entendre avec Coco Chanel.
Misia fréquente Pierre Bonnard, Odilon Redon Auguste Renoir,Toulouse-Lautrec, Erik Satie, Colette, Serge Diaghilev, Picasso, Cocteau, Serge Lifar, Marcel Proust, Stéphane Mallarmé. Coco les fréquente aussi, et pénètre ainsi dans un cercle d’artiste. Elle rencontre Cocteau, réalise les costumes du Train bleu, opérette écrite par Cocteau, mise en scène par Darius Milhaud et jouée par les ballets russes de Serge Diaghilev. Elle réalise d’autres costumes pour Cocteau, ou pour Renoir (la Règle du Jeu, 1939 – un film qui m’avait bouleversé et qui décrit parfaitement l’ambiance dns laquelle évolue Coco) et sauve plusieurs fois Diaghilev de la faillite financière.
C’est elle qui va donc, avec une détermination subtile, lier le monde de la mode et celui de l’art.

La dernière étape

On a donc, pour Coco, beaucoup d’éléments romanesques et mythiques en diable.

L’enfance malheureuse, dont Coco refuse de parler, c’est le malheur ET le secret.
Un peu de sexe et d’amour hors mariage : bien aussi.

L’amour malheureux, avec l’accident de l’amant : encore mieux.

Le travail et le succès : excellent (seuls, ils n’ont aucun intérêt, mais mélangés avec le reste, ils prennent un relief particulier, type Cendrillon Self Made Women).

Les amis artistes et intellectuels : très français, très parisien, très Café de Flore.
Que reste-t-il?
Tout ça compose une figure trop positive, non? Elle est malheureuse, elle bosse, elle est amoureuse, elle perd l’homme de sa vie : il ne manque plus qu’un mariage de raison, des petits enfants, et elle devient la Mamie Nova de la mode.
Mais non.
Non, justement.

Alors, que faut-il de plus?

Je vous le dis dans le dernier épisode, promis… A suivre, donc.

Ninon : Etudes de lettres classiques et d'histoire achevées en 1993 ; voyages depuis 1996 ; posée à Madrid depuis juin 2008. Marketeuse, prof, vendeuse, organisatrice, traductrice.... et maintenant, blogueuse.
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