«Roman Polanski : Wanted and Desired»

Par Ninon • 5 jan, 2009 • Catégorie: A la une, Art et Culture, Expos / Sorties

Image provided by Film Servis Festival Karlovy Vary


La vie de Roman Polanski est lourdement chargée de zones d’ombres, en alternance sinistre avec des zones plus lumineuses. Marine Zenovich, une réalisatrice américaine revient sur le fait divers, et son désastreux traitement juridique et médiatique, qui ont contraint, en avril 1978, Roman Polanski à l’exil hors des Etats Unis. Un documentaire bouleversant, qui balaie les idées reçues sur l’artiste, et pourrait amener à un réexamen du dossier judiciaire.

Roman Polanski avant l’affaire

Depuis 1969, la vie de Roman Polanski a basculé. Son épouse, Sharon Tate, enceinte de huit mois, est assassiné par Charles Manson et ses disciples ; on retrouve son corps meurtri de multiples coup de couteau. La presse américaine considère que Polanski a une part de responsabilité dans ce meurtre, car depuis Rosemary’s baby, il est accusé de satanisme et de sorcellerie. Quelques mois plus tard, sa photo en compagnie d’une jolie femme fait le Une des journaux : l’Amérique puritaine est scandalisée de retrouver ce veuf, qu’elle voudrait abimé dans la douleur, dans les bras d’une jolie femme. Roman Polanski dira des années plus tard : «Chacun réagit de manière particulière face à la douleur. Certains vont au monastère, d’autres au bordel». De ce fait, soupçonné de satanisme et d’insensibilité, Roman Polanski est régulièrement visé par la presse à scandale.

L’affaire

En 1977, Roman Polanski se trouve à Mulholland Drive, dans la maison de Jack Nicholson, absent, pour une séance de photo pour Vogue Homme, avec une jeune fille de 13 ans, Samantha Geimer, que ses parents (qui selon le documentaire n’ignoraient pas sa réputation sulfureuse) ont laissé seul avec elle, ayant même incité leur fille à se prêter au jeu. Dans le courant de la soirée, se passent un certain nombre de chose entre la jeune fille et le réalisateur, entre autre la consommation de substances illicites par Polanski et la séduction de la jeune fille ; les parents de celle-ci portent plainte pour viol. Après maintes tergiversations, Roman Polanski plaide coupable de “relations sexuelles illégales” avec une mineure, réfutant le viol, et il est condamné à une peine de prison de trois mois (le système judiciaire anglo saxon permet ainsi, lorsqu’on se reconnait coupable, de subir une peine en relation avec l’infraction reconnue). Quelques temps après, ayant purgé la moitié de sa peine, Roman Polanski quitte les Etats-Unis où il se remettra plus les pieds, puisqu’il est, pour la justice américaine, un fugitif.

Le nouveau regard apporté par le documentaire

Marina Zenovich révèle le rôle joué par un acteur incontournable dans ce fait divers : le juge Laurence Rittenband. Spécialiste des procédures sensationnelles, celui-ci apparait avoir totalement joué avec Roman Polanski, réagissant en fonction des médias, qui précisément s’acharnent sur le cinéaste au destin terrible. En fait, plus il fait durer le procès, plus on parle de lui dans les journaux : il va commettre une erreur fatale : convoquer une conférence de presse alors que le procès n’est pas terminé : de ce fait, il sera dessaisi du dossier.
Le juge est mort en 1993, mais les témoignages en sa défaveur sont accablants. Douglas Dalton, l’avocat de Polanski, et son adversaire Roger Gunson, l’assistant du procureur, accusent tous deux Rittenband d’avoir abusé de son autorité.
C’est en raison de ce comportement erratique du juge, soumis exclusivement aux réactions des médias, que les avocats de Polanski lui conseilleront de fuir. Depuis, celui-ci n’a pas remis les pieds aux Etats-Unis.
La victime, Samantha Geimer, a accordé un spectaculaire pardon public à Roman Polanski lors de la nomination aux Oscars du Pianiste, en 1997. Elle dit à propos du juge : « Le juge adorait la publicité, peu lui importait ce qui m’arrivait ou ce qui arrivait à Polanski ».

Dans ce documentaire, Marina Zenovich ne porte aucun jugement moral sur Polanski, et ne suggère pas non plus une apologie du cinéaste. Elle ne trace pas non plus son portrait, le véritable sujet du film est uniquement le traitement juridique et médiatique de l’affaire.

Présentation du documentaire en VO

Pourquoi ce documentaire?

Le Figaro rapporte les propos de Marina Zenovich à propos du film : « J’ai toujours été une grande admiratrice de ses films. J’étais au courant de l’affaire, mais je l’avais un peu oubliée. Tout a commencé en février 2003, quand j’ai lu un article du Los Angeles Times, à propos de la nomination de Polanski aux Oscars. L’article se demandait si le réalisateur pourrait revenir aux États-Unis chercher sa récom­pense, s’il l’obtenait. Peu de temps après, la jeune fille qu’il avait séduite, Samantha Gayler, était invitée avec son avocat, au “Larry King Show”. À présent mariée et mère de deux enfants, cette femme de quarante-cinq ans a profité de ce passage télévisé pour “pardonner publiquement à Polanski”. À la fin de l’émission, son avocat a déclaré que “la fuite de Polanski était un triste jour pour la justice américaine”. Là, je me suis dit que cela ne tenait pas debout ! Surtout de la part de l’avocat de la victime. Cette phrase m’a convaincue de me plonger plus avant dans l’affaire… »
La réalisatrice, dont le travail était semé d’embûches (présenter de fausses allégations aurait pu l’amener devant la justice américaine), estime que son film présente deux victimes : la jeune fille, tout d’abord, puis le réalisateur lui-même.

Bande-annonce en VO

Le film est sorti l’été 2008 aux Etats-Unis, et les avocats de Roman Polanski ont réclamé l’abandon des poursuites contre lui. Leur demande sera examinée le 21 janvier 2009. C’est la nouvelle lecture des faits, suggérée dans le film de Marina Zenovich, qui est à l’origine de ce réexamen du dossier. Combien de temps Roman Polanski va-t-il payer pour son ­crime ? se demande la réalisatrice, et elle ajoute : “Jusqu’à présent, je n’ai pas la réponse. ” A suivre…

«Roman Polanski : Wanted and Desired» Documentaire de Marina Zenovich. Durée : 1 h 39.

Sortie en salle le 31 décembre 2008

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Ninon : Etudes de lettres classiques et d'histoire achevées en 1993 ; voyages depuis 1996 ; posée à Madrid depuis juin 2008. Marketeuse, prof, vendeuse, organisatrice, traductrice.... et maintenant, blogueuse.
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