LES HISTOIRES DU NON-LUNDI: mes cheveux sont plus beaux que moi, épisode 5

Par Flannie • 19 déc, 2008 • Catégorie: A la une, Beauté, Les Hommes, Life, etc...

J’avais 20 ans, mes cheveux aussi. Nous étions jeunes, insouciants et heureux – sauf peut-être mes cheveux qui apprenaient depuis quelques temps à résister non sans mal aux longues nuits de beuveries que Lord Paclair et moi leur infligions plusieurs fois par semaine. Sans compter les orgies de kebabs, de pizzas et d’autres plats innommables que nous nous faisions livrer en France comme en Angleterre… La vie étudiante dans toute sa splendeur, sauf pour mes cheveux qui commençaient à devenir aussi gras qu’un paquet de frites anglaises. Pour mieux asseoir la réputation des Français et de leur hygiène au milieu de mes colocataires, je ne lavais pas ma tignasse tous les jours. Je sais que les anglais aimaient se passer au karsher matin et soir mais moi, non. Ma peau ne supportait pas. Mes cheveux non plus. De plus, il était impossible de prendre une douche digne de ce nom dans un appartement partagé par 7 personnes dont un dandy et deux charmantes anglaises qui se faisaient piquer pour éviter les désagréments de leurs menstruations. Autant vous dire qu’elles s’épilaient tous les jours de ce fait et monopolisaient la douche pendant des heures.

Quand Lord Paclair, mes cheveux et moi sommes rentrés en France, j’avais donc des boucles grasses qui avaient foncé en l’absence du soleil. Une fois chez moi, j’ai vite repris goût au shampooing quotidien car mon nouveau travail m’y obligeait. J’avais un travail très physique pour lequel je me levais aux aurores chaque matin sans vraiment prendre la peine de me coiffer. Le soir, je rentrais fourbue et avais à peine la force de manger. Tout ce que je faisais en général était de prendre une douche et me coucher après un repas frugal.

J’ai commencé par avoir quelques petits nœuds de ci de là, rien de bien grave, puis l’hiver est arrivé. Mes insatiables boucles se sont alors nourries de toutes les petites boules de laine qu’elles pouvaient arracher à mes pulls et à la couverture. On aurait dit qu’elles faisaient des provisions pour l’hiver. Elles construisaient un cocon capillaire autour de chaque bout de laine, grossissant ainsi la quantité de nœuds qui se formaient dans mes cheveux. Chaque soir, en me lavant les cheveux, je pratiquais un démêlage sommaire, me promettant de m’attaquer sérieusement à ces affreux nœuds durant le week-end. Bien sûr, je n’en faisais rien mais un matin l’inévitable se produisit.

La veille, je m’étais couchée les cheveux mouillés et durant la nuit ils avaient séché sur l’oreiller en formant de gros paquets. Nous n’avions plus affaire à des petits nœuds ou des cocons. Non, nous étions face à un problème beaucoup plus impressionnant : des ras-tas ! Les cheveux rebelles s’étaient ligués entre eux pour former les plus ignobles rastas que je n’avais jamais vues. Elles se dressaient, droites et moqueuses, au-dessus de ma tête. Brett se mit à rire en me voyant surgir des ténèbres de la nuit. J’étais une version hybride de la Méduse et de Bob Marley, de quoi pleurer.

Comment mes cheveux avaient-ils pu en arriver là ? Voulaient-ils me faire payer mon manque d’attention à leur égard ? Me détestaient-ils ? Les parabens les avaient-ils rendu fous ? Je m’interrogeais en essayant de les séparer quand je me souvins de l’ordinateur qui avait pris contrôle du vaisseau dans le 2001 de Kubrick. Nous étions en train de tourner la suite de ma première odyssée du cheveu : 2010, l’année du premier contact. Je n’avais plus qu’à me trouver un coiffeur digne de Roy Scheider.

Non, je ne pouvais pas. Si, il le fallait.

Non, je ne pouvais pas. J’avais trop honte.

Personne ne croirait à mon histoire de monolithe et de cheveux tentant de prendre à nouveau le contrôle de ma vie. Je n’avais plus qu’une solution : faire comme Bowman et tenter de déconnecter mes cheveux rebelles. Pendant plusieurs jours, nous lutâmes. Plus je tirais, plus ils s’enroulaient. Plus je les huilais, plus ils se serraient. Il n’y avait rien à faire. Au bout de deux semaines, Brett ne rit plus. Il en avait assez d’être attaqué chaque soir par une bande de rastas sur l’oreiller. Dans mes rêves, je m’imaginais conduite à l’autel dans une somptueuse meringue blanche avec quatre rastas pendant dans mon dos. J’entendais le prêtre façon Rowan Atkinson demandait en bégayant à Flannie Ma.. Ma.. Ma… Marley si elle voulait prendre pour époux Lord B…B…B… Brett Pa… Pa… Paclair comme époux. Je voyais alors ma belle-mère bondir de son banc avec une paire de sécateurs à la main.

Je ne pouvais pas rester dans cette situation mais je ne savais pas quoi faire. Mes rastas avaient éliminé tous les peignes d’élite qui les avaient approchées. J’avais peur qu’elles en fassent de même avec les innocents coiffeurs de mon quartier. Sans parler de la honte que j’éprouvais chaque fois que quelqu’un se plaçait derrière moi.

Un soir, au beau milieu d’une discussion apparemment anodine, Brett me dit en riant qu’il ne comptait pas m’épouser. J’ai ravalé ma salive et me suis coupée les cheveux le lendemain. Comme d’habitude, je n’avais pris la peine de prévenir personne. La coupe n’était pas trop mal à mon goût mais je savais que Brett, qui ne jurait que par la beauté des longs cheveux féminins volant au vent, n’apprécierait pas du tout. J’ai couru au supermarché du coin et me suis offerte pour la toute première fois de ma vie un flacon de couleur. J’ai choisi auburn pour ses tons chauds et terriblement glamour à mon goût. Ensuite, je suis rentrée, l’ai scrupuleusement appliqué comme indiqué sur la notice explicative, ai commencé à préparé le repas et… boum, les plombs ont sauté. Loin de m’émouvoir, je me suis rincée dans le noir et ai attendu l’homme à tout faire de l’immeuble, un fort brave monsieur qui arriva – chose que je n’avais pas prévu – en même temps que Brett et notre toute nouvelle voisine qui désespérait de se faire des amis dans le coin. Je les ai installés autour de la table avec une petite bougie. Quand le courant est revenu, seul le réparateur m’a souri avec son amabilité habituelle. La voisine a éclaté de rire (dommage pour elle qui voulait se faire des amis….), Brett a ouvert grand la bouche et a ri à son tour.

Ce genre de comportement de la part d’un homme qui vous dit négligemment la veille qu’il ne vous épousera pas n’aurait pas dû me surprendre mais j’ai quand même été blessée au plus profond de mon âme capillaire. Je maudissais autant ce goujat que mes cheveux que je tenais désormais à garder courts, ultra-courts, comme un défi aux hommes idiots. Je me faisais régulièrement des couleurs, jouais avec mon maquillage, osais de nouvelles tenues qui se mariaient, elles, avec mes cheveux colorés. Somme toute, j’étais plutôt sophistiquée à l’époque.

Un jour, dans un bar, j’ai croisé un copain qui paraissait atterré. Sa copine venait de l’appeler pour lui dire qu’elle sortait du salon de coiffure.

- Elle a tout coupé, tu te rends compte ? Elle est folle !

- Oh…

- Ch’ peux pus sortir avec une fille qui a une coupe de mec, quand même !

- Attends de voir. Ca peut être très joli.

J’ai attendu avec lui et j’ai trouvé, en effet, que la coupe était très réussie. En fait, ce n’est pas la coupe que j’ai vu en premier. C’était l’air épanoui de la jeune femme, un air léger, heureux, libéré… Quand son ami lui a demandé pourquoi – mais ô grand dieu pourquoi – elle s’était coupée les cheveux, elle a simplement répondu en souriant :

- parce que j’en avais envie depuis longtemps.

Quelques jours plus tard, c’est elle qui plaquait son compagnon et non l’inverse. Moi, je suis restée plusieurs années avec Lord Paclair mais ce n’est qu’aujourd’hui que je me rends compte que j’ai attendu notre séparation pour laisser mes cheveux repousser.

On entend parfois dire que nos yeux sont le reflet de notre âme. Et si c’était complètement faux ? Et si c’était notre chevelure – et non notre regard – qui était le reflet de notre âme ?

Sur cette question hautement philosophique, je vous laisse et vous donne rendez-vous après les fêtes pour découvrir le dernier épisode de L’Odyssée du cheveu.

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8 Réponses »

  1. ”

    Tiens…. ça me donne envie de revoir 2001 odyssée de l’espace du coup !!!
    J’aime beaucoup ta façon de raconter, de donner vie et âme à tes cheveux.
    Dis donc, heureusement qu’il t’a dit qu’il ne voulait pas t’épouser sinon tu n’aurais pas rencontré le docteur Pepper…. la vie est bien faite quand même

  2. Tout à fait d’accord !
    La vie lui a d’ailleurs aussi offert beaucoup de bonheur juste après. Comme quoi…
    J’espère que tes cheveux viendront aussi nous parler un peu de toi un de ces jours. Ce serait très sympathique de pouvoir partager nos histoires de cheveux ;-)

    Au fait, rien à voir, je t’ai dit que je te renverrai le mail qui s’était perdu en chemin… Je ne l’ai toujours pas fait.

  3. ”

    Mes cheveux n’ont pas d’histoires aussi passionnantes à raconter ! quoique….. à bien y réfléchir, peut être que si… à voir ;-)

  4. oh oui !!! oh oui !!!! oh oui !!!!

  5. Super, cette histoire ! Tes cheveux ont quand même une vie agitée. Moi aussi, en fait, j’ai une petite histoire avec les miens…

  6. La rubrique “3615 LA VIE DE VOS CHEVEUX” est ouverte, les filles ! ;-)

  7. ”

    Bon… si tu insistes, mais comme dirait Ninon, c’est vraiment une petite histoire à côté des tiens !!!
    Une petite histoire qui m’a quand même valu de me faire appeler “jimmy hendrix” par mon cher et tendre …Flannie, toi qui m’a vue avec mes baguettes de tambour, tu dois te demander comme je suis arrivée là !
    Alors, l’histoire commence par une toute petite fille toute timide avec des cheveux fins et raides et longs, que sa maman s’escrimait à vouloir lui coiffer, même que ça lui faisait mal à la tête, et quand vraiment il y a vait une graaaaaaaaaande occasion, sa maman l’emmenait chez la coiffeuse pour lui faire mettre des bigoudis (mais oui !) et rester ainsi à se chauffer les oreilles pendant un temps…. immensément long à son goût ! (tout ça pour que le lendemain, ils soient aussi raides qu’avant !)
    Quand cette petite fille eut une quinzaine d’année environ, ses cheveux, si fin, si raides, commencèrent à s’animer et à se mettre à onduler ! miracle ! dit sa mère qui était ravie de les voir ainsi doubler de volume ! la petite fille en profita pour se faire couper les cheveux à la garçonne, plus de coiffage, plus de bigoudis, le bonheur quoi ;-)
    Mais quand elle eut 20 ans, les hormones ayant fait l’essentiel de leur travail, elles laissèrent complètement tomber les cheveux puisqu’ils devinrent de nouveau tout raides mais pire qu’avant… et c’est à ce moment là que la jeune fille d’alors décida d’aller chez le coiffeur pour se faire faire sa première permanente ! elle avait mis le doigt dans l’engrenage (et à l’époque c’était à l’amoniaque, je ne vous raconte pas l’odeur !) jusqu’au jour où, 15 ans après, mariée, 2 enfants, elle revint de chez son coiffeur et c’est là que son cher et tendre s’exclama : “tiens ! voilà Jimmy Hendrix !” Vous imaginez bien dans quel état de vexétude elle était alors et elle décida qu’on ne l’y prendrait plus. Elle trouva un autre gentil coiffeur ( hors de prix entre parenthèse, mais compétent… pour le prix, c’est la moindre des choses) qui l’aida à passer le cap, si bien qu’elle avait la moitié de la chevelure, du crâne jusqu’aux oreilles, complètement plate et l’autre moitié (si vous suivez bien, des oreilles jusqu’au cou environ) complètement frisée ! (j’ai gardé des photos de ce moment mémorable et ce n’était pas jojo-jojo !) (Par contre, c’est ce gentil coiffeur qui m’a fait découvrir que la coloration au henné naturel était toutafée magnifique (à mon goût),
    Et voilà comment, après quelques petites aventures, PCR se retrouve aujourd’hui avec les baguettes de tambour de son enfance… comme quoi, il ne faut jamais renier ce que l’on est vraiment !

  8. Oh oui, ta conclusion est on ne peut plus vraie
    Ma maman a eu la même coupe, frisée à l’arrière et plat sur le devant. Ce n’est pas revenu à la mode il y a un an ou deux ?

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