La crise NINJA, ou la crise des subprimes pour les Nuls
Par Ninon • 23 nov, 2008 • Catégorie: A la une, Les rencontres de l'escarpin, Société •- Un ex-professeur espagnol de 75 ans explique en termes clairs la crise financière
- L’article, publié sur son blog, a reçu plus de 165 000 visites
- Une maison d’édition lui a offert de publier un livre… et il est devenu journaliste
Leopoldo Abadia a 75 ans. Il a 12 enfants et 35 petits enfants. C’est un ingénieur industriel, ex professeur de politique d’entreprise de la IESE et président du Groupe Sonnenfeld.
Il y a trois ans, il a commencé à élaborer un dictionnaire de termes et d’expression pour son usage personnel.
En 2008, il rédige son explication de la crise des subprimes, l’envoie par mail à plusieurs personnes, et le courrier suit son chemin (j’ai d’ailleurs reçu ce qui me semble être une traduction française de son analyse, rapportée à un bistro du Nord de la France). Quelqu’un le publie sur son blog, et reçoit 7000 visites dans la journée ; du coup, avec l’un de ses petits fils, Leopoldo crée son propre blog. Qui reçoit 165 000 visites du monde entier. Les journaux espagnols quand ils racontent ça, n’en reviennent pas.
Du coup, Léopold fait un tabac : il passe à la télé, et il va écrire un livre.
J’ai retranscrit (sans trop me prendre la tête) son passage dans l’émission de Buenafuente sur la Sexta, que j’adore ; même si vous ne comprenez pas l’espagnol, vous pouvez la regarder un peu, pour voir l’ambiance de l’émission, déjà, et la bonhomie de ce vieux monsieur.
J’ai aussi repris, à partir de son blog, ses explications de la crise, que je trouve très intéressantes, mais très longues. Je les place sur une autre page du blog, en cliquant vous y accèderez.
Ce que j’aime dans cet histoire, c’est la simplicité de l’analyse de ce monsieur de 75 ans, et le fait qu’il ait fait un tel tabac sur internet…
Il appelle cette crise “la crise ninja” : NINJA est plus ou moins l’acronyme de “no income, no jobs, no assets” - pas de revenus, pas d’emploi, pas de biens personnels. Je me demande si ce nom n’est pas aussi pour beaucoup à l’origine du succès.
Pouet
Buenafuente : Vous êtes à l’origine de la théorie de la crise NINJA, que j’ai beaucoup aimé. S’il vous plait, expliquez nous. Car je crois que c’est le fond de toute l’affaire.
Pouet
Leopoldo Abadia : : Je l’explique et tu m’interromps si tu ne comprends pas.
Premier point : Les taux d’intérêt ont beaucoup baissé aux Etats Unis.
Deuxièmement : Les banques ont besoin de faire des affaires et avec des taux d’intérêts bas, elles ne peuvent faire d’affaires. Donc les banques décident de chercher une catégorie de personnes à qui prêter des hypothèques et ces gens sont ceux que j’appelle N.I.N.J.A. (no income, no jobs, non assets), des gens qui n’ont ni revenus, ni emploi, ni aucun bien, c’est-à-dire exactement le type de personnes à qui tu ne prêterais même pas 5 euros. Et les banques américaines vont voir les ninjas et commencent à leur faire crédit hypothécaire. Ils leur disent : cette maison t’intéresse? Et les ninjas disent : oui.
La banque dit : elle vaut 70 000, je te prête 100 000.Et les NINJA disent : formidable ! Et la banque : Et je te prendrai un peu plus. Et les NINJA : ah, très bien, de toute façon, comme je ne paie pas, ça m’est égal.
Buenafuente : Bien sûr.
Pouet
Leopoldo Abadia : Et donc les banques vont voir les NINJA et leur prêtent 100 000 au lieu de 70 000.
Avec la différence, ils achètent des voiture, ils partent en vacances, font des cadeaux à la famille. Pourquoi les banques leur ont-elles prêté 100 000 s’ils avaient besoin de 70 000? Elles pensent que le marché immobilier va monter. Et donc, si un NINJA ne paie pas, ils vendront la maison, et ils récupèreront l’argent.
Les affaires vont si bien que les banques se disent, on n’a pas besoin de récupérer l’argent, on va chercher de l’argent ailleurs. Et où vont elles en trouver? Dans le monde. Parce que la globalisation, c’est ça. Donc, comment trouve-t-on de l’argent dans le monde entier? très simple.
On prend les hypothèques que l’on a déjà vendue et on fait des petits paquets : et on fait des paquets d’hypothèques bien, d’hypothèques moyenne et d’hypothèques que l’on pourrait appeler des hypothèques de merde. On les mélange bien et on commence à les vendre. Ils vont dans d’autres banques et vendent par petits paquets.
Si je te dis que je vais te vendre de la merde, tu ne vas pas en vouloir, mais si je te dis que je vends des mortgage backed securities, sûrement tu vas me les acheter.
Pouet
Buenafuente : C’est sûr.
Leopoldo Abadia : On peut dire aussi MBS, ça fait mieux. Ils vendent donc tout cela à toutes les banques du monde. De ce fait toutes les banques du monde ont de la merde, mais elles ne savent pas combien. C’est comme ça.
Pouet
Buenafuente : C’est pareil chez moi.
Pouet
Leopoldo Abadia : Donc, le résultat, c’est que les banques, comme elles savent toutes que les autres banques ont de la merde, elles ne se font plus confiance. Et donc les banques se prêtent de l’argent tous les jours, c’est le marché interbancaire et elles se prêtent à des taux d’intérêt déterminé, que l’on appelle l’EURIBOR. Et tu vois, tout ce que je t’ai dit à propos des NINJA, et qui te faisait rire parce que ça parait très loin, là ça se rapproche. Parce que l’Euribor c’est l’indice de nos prêts hypothécaires. Et comme les banques ne se font plus confiance, elles augmentent les taux d’intérêt. L’Euribor monte, et toi, au final, tu paies plus. Donc, au final, après tous ces petits jeux, ça monte, ça descend, mais tu n’as pas le choix.
Pouet
Buenafuente : D’accord. Mais vous allez encore plus loin. Ce que vous voulez dire, c’est que ta banque, celle où tu as toujours été, celle de ton quartier, ce caissier si aimable qui te sert, ne sait pas que sa propre banque est dans la merde.
Pouet
Leopoldo Abadia : Et le président de la banque ne le sait pas, non plus.
Pouet
Buenafuente : Mais il devrait le savoir.
Leopoldo Abadia : Mais il ne le sait pas.
Pouet
Buenafuente : Il ne le sait pas…
Pouet
Leopoldo Abadia : Non.Parce que le Président pense qu’ils ont investi dans d’excellents fonds d’investissements de la banque de l’Okhlahoma (je ne sais pas si ça existe).
Et tout le monde dit “ah, la banque de l’Ocklahoma”" : Quelle banque !”
Et la banque de l’Oklahoma a vendu de la merde au monde entier.
De sorte que quand je mets mon argent dans une banque du quartier , cet argent s’en va, dans un intervalle de 5 secondes, et dans l’espace de 5 secondes elle se retrouve en Okhlahoma, et en 5 - 10 secondes, il est prêté à un ninja.
Pouet
Buenafuente : Donc, c’est ça la globalisation.
Pouet
Leopoldo Abadia : C’est ça, la globalisation.
Pouet
Buenafuente : Bon. Mais les spécialistes se basent dans des calculs mathématiques de dettes, des calculs, tu sais, avec ces points de suspension.; et ils disent que…
Pouet
Leopoldo Abadia : On ne sait pas ce qui va se passer.
Pouet
Buenafuente : Non?
Pouet
Leopoldo Abadia : Non. Et c’est très simple. Si tu ne sais pas la merde que tu as chez toi, et si je ne sais pas celle que j’ai chez moi, et si c’est pareil dans toutes les banques, personne ne sait combien il y en a.
En d’autres termes :
Il y a quelque temps, je crois que le FMI a dit “la dimension de cette crise est entre 100 mille et 500 mille millions de dollars”. Or, il me semble qu’entre 100 mille et 500 mille mliions de dollars il y a une petite différence qui me permettrait de vivre bien un bon bout de temps.
Pouet
Buenafuente : Oui, oui..
Pouet
Leopoldo Abadia : Avec mes petits enfants, mes enfants, etc.
Ils ne savent pas. Il y a quelques temps, j’ai lu que il semble que la dimension de la crise 700 000 millions, ce qui correspond au 700 000 millions de dollars que Bush a mis. Or,l’autre jour, j’ai lu : non ! la dimension de la crise, c’est un billion de dollars. Et maintenant, si tu veux te rendre malade, Fanny Mae et Freddy Mac, ces entités bancaires qui ont des noms de dessins animés, ces gens ont vendu de la merde dans le monde entier pour 5.3 trillions (Cinco coma tres trilliones de dollars) de dollars… et si tu veux faire le calcul mental en pesetas, tu n’y parviendras pas.
Pouet
Buenafuente : Non.
Pouet
Leopoldo Abadia : Non, tu ne pourras pas.
Et tout cela, toutes ces magouilles, on ne peut rien y faire…
A part espérer que des institutions internationales les interdiront…
Et qu’inventeront-ils ensuite, les financiers? Toutes les lois se contournent…
Ninon : Etudes de lettres classiques et d'histoire achevées en 1993 ; voyages depuis 1996 ; posée à Madrid depuis juin 2008. Marketeuse, prof, vendeuse, organisatrice, traductrice.... et maintenant, blogueuse.
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et en plus je parle espagnol … enfin, ça fait plus de 10 ans que je n’ai plus pratiqué, disons que je le comprends, seulement, maintenant !
j’ai été voir les autres pages aussi.
Si tu vas sur You tube, tu verras que de nombreuses interviews de ce monsieur existent. Il est super.
Génial qu’un monsieur de 75 ans fasse tout ça (surtout le blog, c’est pas évident)
ça donne de l’optimisme… il n’est jamais trop tard.
Jé ! Sympa la petite histoire ! Et incroyable ! Pour un petit pépé de 75ans !
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[...] Comprendre la crise. [...]