Dirty Day…
De la fantaisie des prénoms
Hier, j’ai réveillé un de mes fantasmes oubliés. Un de ces fantasmes inexplicables qui remontent à l’enfance. J’ai toujours rêvé porter un prénom d’homme - ou très vieux, à coucher dehors.
George est un de mes préférés, certainement inspiré par George Sand, mais je suis aussi fan d’Alfreda, Eugène, Zelfrid, Cornelius, Winifred et j’en passe.
Quand j’étais enfant, j’adorais le personnage de Claude dans le Club des Cinq (D’ailleurs, elle s’appelait George dans la version britannique !). J’avais envie de lui ressembler et de me balader avec un prénom tout aussi masculin, des cheveux ultra courts et un chien au nom de roi. Puis, dans une des aventures des cinq, j’ai rencontré Jo et elle est devenue ma muse le temps de courtes vacances. Courir pieds nus, ne plus me laver et m’affubler de diminutifs comme Jo ou Al (j’y suis revenue plus tard avec Joe le taxi) étaient mes nouvelles résolutions. A la rentrée, ce trimestre-là, Priscille Dame s’est intéressée à moi. Priscille Dame avait de longs cheveux blonds soyeux qui ressemblaient à un rêve éveillé quand on jouait à la corde à sauter. Priscille Dame avait un visage d’ange. Priscille Dame avait des joues recouvertes de peaux de pêches. Priscille Dame avait des lèvres comme des pétales de rose. Priscille Dame me fascinait et elle jouait avec moi. Pendant un temps, j’ai oublié George, Jo, Mardoche et je me suis rêvée des noms de fleurs et de princesses dégoulinant de « a » et de « ille », des Falbala, des Pétronille, des Shirazanalbala. J’ai pu sortir Palatine de son jeu de cartes et me suis prise pour une reine quelques temps (jusqu’à l’arrivée du bulletin scolaire, si je ne me trompe…)
Finalement, je crois que Jane Daktari est arrivée à temps dans ma vie pour réconcilier mes désirs de garçon manqué avec mes rêves de petites filles à souliers vernis…
Pourquoi je vous raconte cela ? Je n’en sais trop rien. Hier, j’ai créé un nouveau personnage, une vieille dame malicieuse qui sillonne la campagne anglaise sur une Harley pétaradante. J’avais une vague image, j’avais la moto, j’avais les grandes lignes de son caractère mais je n’arrivais pas à lui mettre un visage. Je l’ai appelée Winifred. Aussitôt, nous sommes devenues amies. Et plein de souvenirs d’enfance ont ressurgi.
A jouer avec les prénoms, on crée plein de vies
Allez, hop, je file. J’ai une interview à préparer et je n’arrive plus à mettre la main sur mes fiches de brouillon…
Une nouvelle venue sur l’escarpin: La saga de l’été
Je m’appelle Jane Daktari. Pour beaucoup d’entre vous, mon nom n’évoque rien, tout au plus une allusion à une série américaine des années 70 mettant en scène une espiègle guenon. Pourtant, si ce nom ne vous évoque rien aujourd’hui, il était sur toutes les lèvres - ou presque - dans les années 80.
A l’époque, on me voyait partout : sur les podiums des grands créateurs, les couvertures des magazines les plus branchés, les toits des gratte-ciels de Manhattan, les sommets des volcans en éruption. Je n’avais peur de rien. J’étais partout, de Londres à Timbuktu, en passant par les incroyables Citées d’Or et le Groenland, maniant avec la même prodigieuse dextérité le sabre laser, le lasso, la guitare électrique et le filet à papillons.
J’ai arrêté tant de malfrats et sauvé tant de fois le monde qu’on a écrit plus d’une cinquantaine de livres à mon sujet. Combien se sont approchés de la réalité ? Très peu. On a dit, par exemple, que Clint en avait eu assez de mes frasques mais c’est faux. C’est moi qui l’ai quitté pour le sourire ravageur de Bob (NDLR Redford) parce que j’en avais marre de son manque de romantisme. On m’a prêtée tant d’amants qu’un bottin ne servirait pas à les contenir tous mais comment aurais-je pu courir le monde et les hommes en même temps du matin au soir ? On a écrit d’autres inepties telle que ma supposée allergie au lycra qui me forçait à porter des culottes et collants en 100% coton, ce qui aurait considérablement réduit ma vitesse de vol. C’est encore faux et archi-faux. C’est moi, figurez-vous, qui est mis le lycra à la mode chez les super-héros. J’ai d’ailleurs été la première super-héroïne mondialement connue à adopter les collants en lycra fluo (avec jambières assorties pour les vols de nuit…)
Quant à mes relations avec les autres héroïnes de l’époque, on les a qualifiées de houleuses, voire volcaniques de par mon caractère sans que je puisse me justifier. N’en déplaisent aux mauvaises langues, j’avais des amies dans le milieu : Storm, Supergirl, les sœurs Cats’Eyes… Ensemble, nous formions une sacrée bande !
Et puis, j’ai fait beaucoup de bénévolat, ce qu’on ne dit jamais à mon propos. J’ai créé le premier réseau de communication international d’urgence entre hommes et animaux grâce aux facultés de mon père, le Dr Dolittle. J’ai enseigné l’art du combat au Tibet, la danse classique au Kenya et la musique chez les inuits quand le monde n’était pas à sauver. Je me demande bien pourquoi personne n’en parle jamais. Dans les années 90, vers la fin de ma carrière, j’ai également formé quelques jeunettes. Sans moi, d’ailleurs, Lara Croft serait encore en train de lire Raison et Sentiment dans son vieux domaine d’Abbington…
Mais où en étais-je ?
Ah oui !
…
Je suis Jane Daktari, super-héroïne aujourd’hui reconvertie en mère au foyer. Je ne défraie plus la chronique mais apprécie encore de temps à autre un petit voyage supersonique quand mes enfants ne me laissent pas sur les rotules. J’ai quelques dizaines de kilos de trop selon ma balance espion et n’utilises mes super-pouvoirs qu’en cas de force majeur, quand les enfants sont très en retard à l’école, par exemple.
Je pensais finir mes jours ainsi mais le destin - et un appel téléphonique longue distance - en ont décidé autrement…
(suite au prochain épisode)
échantillons d’enfance ou comment amorcer la nouvelle saga de l’escarpin…
A l’approche des vacances, j’ai décidé de vous parler aujourd’hui d’une de mes grandes passions. Une de celles qui n’ont pas pris une ride depuis ma plus tendre enfance et que j’assume pleinement chaque fois que je dois plier bagages. J’ai nommé… la collection d’échantillons.
Je suis une obsédée de l’échantillon à tel point que je pourrais presque forcer les boîtes aux lettres de mes voisins si Nana recommençait son opération de promotion de la serviette ultra-mince à ailettes (je sais, ça date… mais je me souviens avoir fait toute ma montée ainsi que celle d’en face avec la complicité de ma mère pour aller récupérer des échantillons de serviettes hygiéniques dans les boîtes aux lettres de mon très respectable quartier).
En fait, cette maladie remonte à ma petite enfance. A l’époque, j’étais grand reporter ET super-héroïne ET vétérinaire ET rock-star. Ne riez pas, c’était du sérieux. J’étais une sorte de Clark Benatar, fille cachée du docteur Dolittle ( je communiquais parfaitement avec les animaux) et de Diane Fossey. J’avais le sex-appeal de Farah Fawcett et mon costume était surtout moins criard que celui de Wonderwoman. J’avais le look “super amazone” en mission. Bien sûr, quand il s’agissait de faire un simple reportage, je dissimulais mon costume sous des sahariennes écru et des tailleurs hyper cintrés que je repérais dans les catalogues de La Redoute de ma mémé. Pas toujours pratique avec le panier tressé que je passais par-dessus ma tête mais comment voulez-vous trimballer votre gamelle, votre sèche-cheveux et votre sabre laser dans un petit sac à main (et oui, j’avais aussi un sabre laser car mon père, le vénérable Dr Doolittle, avait quelques liens avec la famille Skywalker. Le jour où je l’ai appris, je me suis effondrée car j’étais passionnément amoureuse de Luke…) ?
Je n’avais que le lourd panier de ma grand-mère pour transporter toutes mes affaires. Il était si grand que je passais ma tête sous la anse et le portais autour du cou pendant mes missions. Je voyageais sans cesse d’un pays à l’autre. Je me posais rarement (sauf quand ma grand-mère me hurlait que le repas était prêt…). J’avais toujours une idée de reportage, un mystère à élucider, un pays à explorer… ou à sauver.
Plus les années passaient, plus mon panier devenait lourd. A chaque anniversaire, je rajoutais de nouveaux jouets et je finis par me rendre à l’évidence: un personnage de mon importance ne pouvait courir le monde affublé de la sorte. Vous avez déjà essayé d’échapper à une horde de nomades du désert appartenant à une secte de mangeurs de femmes avec un panier de 10 tonnes autour du cou ? Moi, j’ai failli y rester plus d’une fois. J’ai fini par choisir mes tenues et mon nécessaire de voyage avec plus de soin. Seules mes armes, mon bloc-note, mon faux appareil photo et quelques poupées m’accompagnèrent par la suite dans mes voyages.
C’était la grande époque du Diamant Vert bientôt suivi du Diamant du Nil. Chaque mercredi, chez ma grand-mère, je m’envolais pour la Colombie puis le Moyen-Orient. J’étais fan de Joan Wilder. Je voulais devenir écrivain et si possible aussi sexy qu’elle. Le hic, c’est qu’elle finissait toujours couverte de boue et les cheveux en bataille. Ma grand-mère ne voyait plus mes missions d’un bon oeil. Aussi, pour la rassurer, je me munis d’une trousse de toilette dans laquelle je fourrais tous les produits de beauté et savons que je trouvais dans les tiroirs de ma maman.
J’avais 10 ans. Je devenais plus Joan que Wild. J’occupais maintenant les 3/4 de mes missions à me pomponner. Je me laissais kidnapper plus souvent qu’à mon tour, refusant d’utiliser mes super pouvoirs dans l’espoir fou qu’un ténébreux aventurier volerait chaque fois à mon secours. Et ça marchait. Ca marchait à tel point que mes patrons (comprendre: mon rédacteur en chef et le grand patron des services secrets) finirent par me mettre au placard. Je n’avais plus aucun scoop à fournir et je ne sauvais plus le monde. J’étais juste… amoureuse.
Je finis toutefois par me lasser et mis fin à ma relation avec Jack (=Michael Douglas) au début de l’été suivant. Je n’avais pas encore 11 ans mais je venais de voir Le bon, la brute et le truand. Clint était mon homme. Je fis des pieds et des mains pour que mon rédac chef m’envoie couvrir un sujet brûlant au fin fond du Far West. Alors que je préparais mon panier, ma grand-mère me descendit du grenier un vieux sac à appareil photo. Il avait des poches partout et se fermait par zip. C’était le sac d’aventurier par excellence ! Le seul inconvénient est qu’il n’était pas aussi grand que le panier. Ni mon lion en peluche (qui ne me quittait plus depuis ma première mission dans la savane), ni le sèche-cheveux rentraient dans le sac. C’était fort ennuyeux.
Je me souviens avoir piqué des crises rocambolesques plusieurs après-midi de suite parce que je ne pouvais pas transporter ce que je voulais. Je devenais rouge, tassais, tassais, retirais, retassais, jusqu’à crier, secouer le sac et jeter tout par terre en donnant de grands coups de pieds dans le lit de ma mémé.
Un jour, alors que je rentrais d’un reportage à la Coop du coin, j’ai marché sur quelque chose qui allait changer ma vie: c’était un petit emballage carré contenant un drôle de truc rond et mou. Malgré mes presque 11 ans, je ne savais pas ce que c’était. Mon instinct me disait que ce n’était pas comestible mais c’était à peu près tout. je le mis dans ma sacoche en me disant que ça ressemblait aux échantillons de crème que ma maman trouvait dans les magazines.
J’étais toute excitée: enfin, j’avais trouver le moyen d’emmener mon nécessaire en voyage sans devoir choisir entre le sabre laser ou le shampooing. Il suffisait que je trouve des échantillons de tout !
C’est ce dernier mot qui me causa le plus de problème. A l’époque, tout n’existait pas encore en échantillon. Hormis la capote british que j’avais trouvée dans la rue (je n’ai appris qu’un an plus tard à quoi elle servait réellement…) et deux sachets de crème anti-rides chèrement négociés avec ma maman, je n’avais rien d’autre. En bonne esclavagiste pourrie gâtée que j’étais, j’ordonnais à ma grand-mère de chercher dans tous les magazines qui peuplaient la salle d’attente de son médecin. En vain. Je voulais également la forcer à fouiller chez le buraliste. Et à supplier le pharmacien. Piquer des minis choses au supermarché…
Bien sûr, elle n’en fit rien. A la place, elle m’offrit des savons d’invités Roger & Gallet et une micro boîte de concentré de tomates (pour accommoder les grillons, c’est toujours utile…). Dans mon sac, j’ai rajouté quelques fruits en plastique sortis de mon vieux carton de dinette, un rouge à lèvres de Barbie, mon K-Way et mes lucioles Bonux. J’étais fin prête même si, à mon grand regret, on ne faisait pas encore d’échantillon de pâtes aux oeufs et de dentifrice.
Je n’avais plus qu’à partir à la recherche de Clint…
(suite au prochain épisode. D’ici là, je vous laisse spéculer sur le nom la super-héroïne que j’étais…)
Les copines de l’escarpin racontent: Self control… by Sophie
Aujourd’hui, c’est Sophie qui nous raconte un épisode de la vie de ses… nerfs:
J’étais encore à Madagascar quand cette histoire m’est arrivée.
Je revenais du marché, j’avais prévu pour midi des magrets au miel de letchi. C’est un miel assez rare et merveilleusement parfumé, très frais, comme si on y avait mis de la menthe. Je mets donc mes magrets à rôtir et ouvre la boîte de miel quand une abeille, passant par là, vient me rendre une petite visite inopinée et butiner en douce un peu de ce miel merveilleux. C’était compter sans le sens de la communication de ces bébêtes. Il ne s’est pas écoulé 5 minutes que la cuisine bruissait d’abeilles. Difficile de les chasser, on risquait de se faire piquer. Je réfléchissais à une solution pour les faire sortir lorsqu’une d’entre elles se posa sur ma main, où un peu de miel était resté. Puis deux, puis trois. Le premier réflexe dans ce cas là est en général de secouer la main pour les faire partir : on a tellement entendu de récits qui mettaient en scène, façon Hitchcock, des abeilles tueuses. Ce jour-là, impossible de dire ce qui m’a pris. J’ai laissé faire. Pire, j’ai enduit ma main de miel. Pour voir. Et des dizaines d’abeilles sont venues se poser sur ma main, jusqu’à la recouvrir entièrement. Fifille voulait en faire autant, je balisais un peu, j’avoue, car si je me savais capable de garder mon sang froid, je ne pouvais pas présager des réactions d’une ado de 13 ans. Je parlemente donc un moment, en disant que je ne préfèrerais pas mais elle insiste et promet qu’elle gardera son calme. Je cède, on verra bien. Et puis, quand elle était petite, elle n’arrivait pas à dire son prénom et au lieu de prononcer Gabrielle elle disait un truc qui ressemblait à Abeille. Elle s’est appelée ainsi au moins un an, c’est de bon augure ! Nous voici donc toutes les deux installées dans le jardin, les mains couvertes d’abeilles, leurs centaines de petites pattes nous chatouillant doucement. Nous sommes très concentrées, presque en communion avec elles. Ce n’est pas un moment drôle, c’est très intense, pas loin de l’expérience initiatique car nous savons l’une comme l’autre que si nous faisons un seul geste un peu brusque, nous risquons la piqûre et, vu le nombre d’abeilles, il vaut mieux éviter : cela virerait très vite au drame. Le nez à deux centimètres de nos mains, nous commentons calmement ce que nous ressentons, ce que nous voyons, les ailes si fines, les poils duveteux, la trompe microscopique et nous nous extasions sur la perfection de la nature. Ma fille m’épate, elle est incroyablement sereine. Quant à moi, je suis dans un état second, peut-être celui du dresseur quand il rentre dans la cage ? Je m’explique. Je n’ai jamais affronté de fauve, jamais été dans une situation où tu sais que l’issue dépend en grande partie de toi et de ton sang froid. Si tu restes zen, il n’y aura pas de problème, a priori, à moins que l’une d’elles ne devienne folle brusquement et pique sans explication, la situation est entre tes mains, à toi de la gérer au mieux. Respiration tranquille, presque de celle qu’on a quand on dort, tous les sens en éveil, et ce micro massage des pattes minuscules qui continuent leur ballet sur mes mains. Je suis hors du temps, déconnectée de toute autre réalité que celle-là. Dans une bulle.
Je ne sais pas combien de temps cela a duré : une demi-heure, une heure ? L’éternité peut-être. J’aurais bien aimé.
On a fini par ne plus avoir de miel sur les mains, elles se sont envolées l’une après l’autre en nous faisant une révérence. Les magrets étaient un peu cuits mais ils avaient un goût formidable, celui d’une victoire sur soi-même d’abord et aussi celui d’avoir réussi un truc un peu dingue mais tellement fort. Depuis, je ne chasse plus jamais une abeille. J’attends qu’elle vienne se poser sur moi. Elle ne me piquera pas. J’ai confiance.
Le cirque de mon enfance
A mon époque, on l’appelait juste le cirque Jean Richard de par chez nous. J’adorais y aller avec l’école en me demandant cependant comment un monsieur aussi triste que le commissaire Maigret pouvait être un clown. Je n’avais rien compris…
Mais la magie, chaque fois, était au rendez-vous.
Puis les années ont passé et j’ai déserté le cirque au profit des sièges capitonnés des salles de danse puis des bancs durs et froids des stades de rugby. Il y avait de l’animal aussi, de la sueur bestiale, des balourds qui se prenaient pour des clowns, des figures acrobatiques si on regardait bien mais, curieusement, après les premiers baisers et les premières mi-temps, il n’y avait plus trop de magie. C’était l’adolescence dans toute sa splendeur.
Un jour, toutefois, j’ai osé demander à un de mes petits amis s’il voulait bien aller au cirque.
Au quoi ? Il m’a dit. Je n’ai pas insisté. Nous sommes allés voir un film de JCVD à la place. Il y avait aussi de la bête mais pas de dompteur. Et encore moins de magie.
Heureusement, quelques années plus tard, j’ai fini par tomber sur un type qui comprenait que le cirque n’était pas qu’une « attraction à mémés et marmots ». Je n’ai pas relevé. Trop contente, j’ai couru dare-dare avec mon nouvel étalon m’installer au premier rang, près de la piste, là où on peut faire baptiser nos nouveaux jeans à la crotte de tigre. J’avais l’impression d’être à nouveau Jane Daktari, mon personnage d’enfance, en mission dans la cambrousse. Le type n’est plus sorti avec moi après.
Plus tard, j’ai pris un café avec un Monsieur déLoyal. Sans sa redingote, il n’avait plus tant la côte. J’ai déchanté ensuite en assistant à un « grand » spectacle de cirque qui avait autant d’âme que la dernière visite du pape en Terre Sainte. J’avais grandi. Le cirque était petit.
Heureusement, quelques années encore plus tard, j’ai reçu une invitation pour un autre cirque, le cirque Pinder, et là, d’un coup, j’ai compris pourquoi le commissaire Maigret avait besoin d’un cirque. On a tous besoin d’un cirque pour nous sortir de la réalité de nos quotidiens pas toujours joyeux, pour nous reconnecter à nos âmes d’enfants. Et Pinder est ce cirque.
Hier, j’y suis retournée avec ma progéniture et celui qui a engendré toutes mes vergetures de nouvelle maman. On a ri. On a tapé dans les mains. Le chapiteau était plein à craquer. Il y avait de l’animal, de la sueur bestiale, de vrais clowns, des acrobaties fort réussies et - devinez quoi ? De la magie.
Tous les ingrédients du cirque de mon enfance étaient réunis durant 2h30 dans 14 numéros parfaitement rythmés. Frédéric Edelstein et ses fauves étaient toujours aussi époustouflants. Je pense même qu’il faudrait l’embaucher pour encadrer le prochain voyage scolaire et dompter les maîtresses. Sophie Edelstein nous a proposé un numéro d’illusionniste comme je n’en avais pas vu depuis longtemps. En plus, elle est d’un sexy à vous faire ravaler le pop-corn par les trous de nez (Je ne vous parle pas non plus de la danseuse aux cerceaux… Il y a un dossier spécial « beauté » à faire chez eux !)
Le reste était tout aussi bon avec une mention spéciale pour ceux qui ont failli me défriser à la fin (comme s’il était possible de me faire perdre la boucle, m’enfin !) : les frères Navas et la roue de la mort. Rien que le nom… Je vous laisse imaginer !
En tout cas, si Jean Richard était encore de ce monde, je suis sûre qu’il nous aurait fait un remake hier de « Maigret s’amuse » car c’est cela le cirque, avant tout… et Pinder l’a bien compris.
Merci pour ces 2h30 de magie !
Les boules de l’escarpin: The Time Of My Life ou mes 12 ans avec Patrick Swayze
Hier, j’ai ri en repensant à toutes ces conneries d’ado puis une grosse boule m’est montée à la gorge et je me suis mise à pleurer comme une baleine. On dit que Patrick Swayze ne pèse plus que 48 kilos et que les mois qui lui restent à vivre ne se compteraient que sur les doigts d’une main. Je ne pense plus à Bébé tout à coup mais à Lisa, la femme de Patrick Swayze depuis 33 ans, celle qui donnerait bien ses deux seins, son nombril et ses jambes pour passer encore quelques années de plus avec lui…
(Bien sûr, vous pouvez me remercier d’avoir plombé votre journée…)
envoyé par clipclap52
Mon premier Halloween
Je garde un souvenir très amusé de ma toute première fête d’Halloween. Je venais d’arriver en Angleterre. Mes bagages n’étaient pas encore ouverts que je rencontrais mes colocataires. La première me tendit une tasse de thé fumante, la deuxième un catalogue de costumes tandis que les garçons étaient déjà légèrement éméchés. J’avais du mal à retenir les noms de chacun, leurs accents, leurs questions. Tout ce que j’avais compris, c’est que je rangerai ma chambre plus tard. Nous devions aller de toute urgence au costume shop de la ville voisine. Au milieu de l’attroupement général, je n’ai pas vu Brett partir avec les mâles de l’appart. Je me suis retrouvée enveloppée par deux gros bras fort décidés et poussée jusqu’à l’arrêt de bus. Là, Brett parvint à s’éloigner de la foule et me prit dans ses bras. Enfin ! J’attendais cet instant depuis si longtemps que je n’ai pas mesuré la longueur de notre baiser. Quand j’ai fini par tourner la tête (je ne suis pas Jaques Mayol non plus), j’ai vu les deux filles tirer des têtes de merlans frits.
- You’re in England, now ! me rappela un grand italien en s’esclaffant.
- You really do that in France ? me demanda le petit ami d’une des filles.
Je ne comprenais pas vraiment jusqu’à ce que Brett leur explique que les Français, en effet, s’embrassaient partout sans se soucier du regard des autres. Et moi qui croyait être pudique !
Dans le bus, j’ai finalement compris qui était qui et avec qui surtout (question de survie chez les filles). Les paysages défilaient, des parcs, des forêts, des centres commerciaux. J’apprenais qu’en Angleterre la nature était partout, même dans les centres urbains les plus improbables. Ca me plaisait. J’étais ravie. Ravie aussi de retrouver Lord Brett Paclair avec qui j’espérais pouvoir vite passer un moment seuls. Soudain, une monstrueuse odeur agressa mes narines. Aucune poissonnerie, aucun ruisseau à l’horizon. Les fenêtres du bus étaient fermées de toute façon. C’était une odeur infecte. Apparemment, j’étais la seule à l’avoir sentie car les autres mangeaient tranquillement.
- T’as rien senti ? demandais-je à Brett à l’oreille (je n’étais pas encore habituée au fait que personne ne comprenait le français autour de nous)
- Quoi ?
- Mais ça ! Cette odeur pourrie !
- Ils mangent des chips.
- Mais non, c’est une odeur de… berk ! On dirait, tu sais… comme l’odeur des parties intimes d’une femme qui ne se serait pas lavée après avoir fait l’amour.
- Ah, tu connais ça, toi ? me répondit-il d’un air amusé
- Oh, tais-toi !
Je me suis mise à puiser dans les paquets de chips qu’on me tendait comme autant de paquets de bonbons aux parfums tous différents : l’un était au poulet, l’autre au bacon, un autre encore aux pickles, au cheddar… Ce n’était pas mauvais, pensais-je en en portant un dernier à ma bouche. J’eus un haut-le-cœur. Le garçon qui m’avait tendu ce dernier paquet de chips me regardait d’un air bienveillant. J’essayais de sourire mais j’avais l’impression de manger du sexe. C’était horrible. Horrible pour moi, enfin, car lui semblait fortement apprécier. Saveur Prawn cocktail. Je n’oublierai jamais. C’était mon premier rapport avec la junk-food anglo-saxonne et déjà je relevais une contradiction chez nos amis anglo-saxons : ils ne pouvaient s’embrasser dans un bus mais ils ne voyaient aucun inconvénient à y manger des chips qui sentaient le sexe à des kilomètres à la ronde.
Au costume shop où nous nous sommes rendus quelques minutes plus tard, j’étais émerveillée de voir que tant d’adultes se prêtaient au jeu du déguisement pour faire la fête. Ici, en France, dès qu’on atteint la puberté, la seule chose dans laquelle on veut encore bien se déguiser, c’est en gravure de mode. Là, il y avait de tout : du pirate, de la fée taille XXL, des dents de vampire, des casques de viking, des tenues de sorcière, de super-héros… Au milieu de tous ces costumes démentiels, j’hésitais entre une tenue de sorcière – à cause du chapeau pointu – et une tenue de vampire. J’avais envie d’essayer mais mes doigts sentaient si fort le poulet au vinaigre et … (bon, je n’irai pas plus loin, tout le monde a compris) que je me suis d’abord planquée dans un petit coin et me suis essuyée les doigts – que dis-je ! - arrachée la peau des doigts entre deux pans de velours rouge et noir. C’était une sorte de costume de coccinelle. Le ventre et le dos étaient tendus par des arceaux recouverts d’un épais velours rouge pavé de grosses pastilles noires. Dessous flottaient des collants noirs ridiculement fins. Le costume était très sympa mais ne se prêtait guère à une soirée d’Halloween. En plus, maintenant, cette coccinelle sentait aussi bon que si elle s’était accouplée avec poulet.
- Do you really fancy this one ? me demanda la coloc qui m’avait offert ma première tasse de thé à l’appart.
- Well…
Malgré moi, je suis devenue toute rouge. J’avais honte d’avoir couvert cet innocent insecte de chips pourri. Ma coloc l’avait-elle vu ? J’espérais que non et, pour détourner son attention, je lui ai demandé ce qu’elle avait choisi. Un costume de sorcière, bien sûr. L’autre fille aussi. Je ne savais pas si elles apprécieraient ou non que je les copie alors j’ai abandonné l’idée de porter un chapeau pointu et me suis dirigée vers les costumes de vampire. Les garçons étaient en plein dedans, concentrés comme je n’avais encore jamais vu de garçons concentrés pour s’habiller. Je rêvais de porter une chemise à jabot. Je savais bien que c’était des costumes masculins mais j’avais un petit faible pour le look dandy assoiffé de sang. Entre deux chemises blanches à volants, une tête surgit avec deux énormes dents pointues recouvertes de sang – enfin de faux sang. Je me suis mise à hurler. Brett – car c’était bien lui le farceur – éclata de rire.
- Tu ne vas quand même pas t’habiller comme un mec ? me gronda-t-il gentiment.
- J’y songeais justement.
Finalement, une idée germa dans mon esprit. Puisque cette nuit allait être notre première nuit ensemble depuis des lustres, autant faire qu’elle soit mémorable. Du coup, je me suis dirigée vers les costumes très sexy de Catwoman et autres héroïnes félines respirant le sex… appeal à des kilomètres. Je n’étais pas une bombe mais je n’avais pas encore eu d’enfant à l’époque. Les collants moulants ne me faisaient pas peur mais le côté noir ultra glamour ne me ressemblait pas beaucoup. J’ai tant tergiversé que l’estomac des garçons criait famine. Au final, j’ai opté pour un costume moulant mais pailleté et argenté avec des manches chauves-souris rouges et une capuche intégrée. C’était sensé être un costume de chauve-souris mais qui paraissait plus gentil à porter que les autres.
Le soir venu, j’ai enfilé mon costume avec l’excitation de la gamine qui se rendait à sa première surprise party. Dans le col, j’ai trouvé une petite surprise : une cagoule pailletée ornée de deux petites oreilles rouges. Une fois le costume enfilé, je me suis sentie diablement à l’aise dedans mais je ne pouvais me voir car nous n’avions pas encore de miroir dans la chambre. Il fallait pour cela que je me rende dans la salle de bain où j’avais vu un miroir en pied trôner près de la douche. Avec la fébrilité d’une jeune mariée, j’ai ouvert la lourde porte de notre chambre et glissé la tête : personne à l’horizon. Vite, je me suis faufilée et… Dadam ! La porte du couloir s’est ouverte sur un groupe de garçons armés de bières, beuglant à tout-va des trucs que je ne comprenais pas. L’un d’entre eux s’est arrêté pour faire connaissance. Je me suis dit « chic ! Je plais dans cette tenue ! » Brett s’est approché. J’en ai profité pour filer m’enfermer dans la salle de bain. Il ne fallait pas qu’il me voit. Pas encore. Pas tout de suite. Pas avant moi. Pas… Ca y est, j’étais face au miroir.
Sur le lavabo, un masque de Scream oublié par un garçon. Dans le miroir, le rejeton de Tinky-Winky et Travolta dans Saturday Night Fever. C’était moi. Pas de doute là-dessus. C’était bel et bien moi avec mes bonnes joues et mes frisettes qui débordaient de la cagoule un peu trop serrée. Avec les petites oreilles rouges, je n’avais pas l’air d’une chauve-souris mais d’un nounours. Côté corps, ça pouvait aller mais j’étais plus dans les arrondis que dans la liane attitude. Un vrai bisounours en paillettes.
(Comprenez que je n’ai rien contre les Bisounours. Je serais d’ailleurs ravie aujourd’hui de pouvoir à nouveau rentrer dans un tel costume moulant mais à l’époque j’avais 22 ou 23 ans, Lord Paclair était plus attiré par Adriana Sklenaříková - alias Karembeu - que Tinky-Winky et je désespérais de devenir vraiment sexy…)
Je ne savais pas trop quoi faire. Enfiler le masque de Scream par-dessus ? Je l’ai fait. Même ça, c’était ridicule. Découdre les oreilles ? Nan, c’était une location. Retirer la cagoule ? C’était la solution la plus simple mais, dans ce cas, je ressemblais juste à l’assistant d’un superhéros qui revenait de son jogging (j’avais des baskets aux pieds). J’ai remis une couche de mascara bien noir et suis partie en quête de mes bottines dans mes bagages. Je me maudissais pas ne pas avoir emmené des escarpins mais aurais-je seulement su danser avec ?
Au salon, la fête allait bon train. Quand je suis sortie de la chambre, le même garçon qui m’avait accosté au début m’a offert un verre – verre que j’ai bu d’un trait tellement j’étais anxieuse puis le cri arriva – un cri typiquement féminin, typiquement anglo-saxon :
- Yoooooooooooooooooooou’re so cuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuute ! s’écria une des colocs.
Tout le monde s’est retourné. J’ai vaguement tenté de sourire mais mes joues étaient coincées dans la cagoule. Je suis devenue aussi rouge que les oreilles de mon costume. Mon coloc italien s’est vautré de rire entre les coussins du canapé. Brett me regardait avec amusement. Il n’est pas venu jusqu’à moi. J’ai dû traverser toute la pièce pour qu’il me répète à son tour :
- Rhôôô comme tu es mignonne !
Il était déjà éméché et le « rhôôô » sonnait plus comme une moquerie que comme un compliment. Néanmoins, j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis rendue avec la troupe (rectif : au milieu, bien au milieu de la troupe) à la soirée d’Halloween au pub étudiant. Personne n’a ri en me voyant. C’était déjà çà. Il y avait tant de gens costumés et maquillés que je m’émerveillais de l’imagination de la plupart des jeunes qui m’entouraient. Peu à peu, sous l’influence de la fête et de l’alcool, je me suis détendue. Avec mes nouveaux collocs, je me suis même inscrite au concours de costumes. Je me souviens aussi avoir eu une discussion mémorable avec mon coloc italien sur ce que les hommes attendaient des femmes. Selon lui, la plupart des mâles s’attendaient à ce que leurs compagnes ressemblent à des anges en public et à des garces une fois dans l’intimité de la chambre. Connaissant certains types, son argument tenait la route même si quelques anglaises bien pensantes étaient outrées de ses dires. Je pensais surtout que si je voulais plaire à Lord Sinclair une fois de retour à l’appart, j’avais tout intérêt à me débarrasser du costume de bisounours. Aux toilettes, j’ai entendu un petit groupe de français se moquer de la soirée. Par la suite, j’ai compris que les français qui se retrouvaient en groupe à l’étranger aimaient tout dénigrer. A l’époque, je ne le savais pas encore. Aussi ouvris-je grand mes oreilles tandis que je me passais de l’eau froide au visage pour calmer mes satanées rougeurs. Les anglais ne savaient pas se tenir. Les anglais étaient stupides. Les anglais se déguisaient n’importe comment Les anglais n’avaient aucune classe. La preuve ? La pauvre fille devant les lavabos.
Euh… la pauvre fille… c’était moi. Merde ! J’avais envie de riposter mais une petite voix intérieure, plus forte que mon agressivité guidée par l’alcool, me murmura de faire comme si de rien n’était pour les avoir plus tard. Je suis ressortie furieuse contre mes compatriotes. Un type me sauta dessus dans un râle horrible, tenant tant bien que mal de me sucer le sang avec ses dents en plastique. C’était drôle mais j’ai quand même frissonné. Des sorcières sérieusement bourrées commençaient à faire un concours de strip tease en dansant autour de leurs balais. Certaines étaient vraiment sexy, d’autres pathétiques tant elles ne tenaient pas de bout. La soirée défila ainsi à une vitesse accélérée jusqu’à ce que le prix du costume le plus horrible fut attribué à un garçon qui était venu avec un t-shirt déchiré et un maquillage à faire peur. Il s’était dessiné des cicatrices sur les joues et collé un faux œil boursouflé. Tout dans la simplicité mais la simplicité efficace car il faisait très peur. On passa ensuite au 2e prix, et au 3e puis le DJ présenta les 3 costumes les plus originaux et enfin ceux qui ne faisaient peur à personne (= les plus pitoyables). J’étais tranquillement affalée sur un canapé quand un spot se dirigea brutalement vers moi. Agressée par la lumière, je suis restée quelques instants bouche bée avant que quelqu’un me tire par le bras et m’entraîne vers la scène. Devant une foule d’étudiants aussi – et même plus – ivres que moi, j’ai reçu un t-shirt et une autre pinte. Je ne savais pas si je devais rire ou pleurer de honte. Tout ce que je sais, c’est que, comme d’habitude, j’étais rouge comme une tomate et que j’ai passé le reste de la nuit, non pas à jouer à Catwoman dans les bras de Lord Paclair mais à vomir aux toilettes pendant qu’il me tenait la tête.
Et votre premier Halloween, il était comment ?

