Dirty Day…
Le chocolat du marié
Depuis que Deedee nous a fait partager son texte si touchant sur le mariage, j’ai à nouveau en mémoire le regard de mon mari le jour où nous nous sommes mariés, ce regard éperdu d’amour et de fierté qu’il a eu pour moi en cette journée si particulière et je me demande « comment j’ai su que c’était lui ? », moi la tétanisée de service à l’idée de me retrouver emprisonnée à vie.
Pragmatique, je me réponds « Ben, il t’avait mise en cloque. Côté liens « indélébiles », tu n’étais plus à cela près ! »
Poétique, je rectifie « non, ce sont ses yeux… si grands, si beaux, si pétillants qu’on plongerait dedans en se retenant à peine aux ridules coquines qui les bordent. »
Gamine, je m’amuse « c’est parce qu’il venait chez toi tous les samedi soirs regarder Buffy au lieu d’aller faire la bringue avec ses potes ! »
Zen, je rajoute « c’est parce qu’il a cette façon unique de t’aimer sans rien vouloir changer en toi ».
Artiste, je m’extasie « … parce que son âme est plus belle que les nus d’Ingre ! »
Mystique, je me murmure « … parce que le destin l’a mis sur ton chemin ce fameux 21 juin… »
Midinette, je sens mon cœur s’emballer « J’ai tout de suite remarqué sa ressemblance avec George Clooney ! »
Mais ne serait-ce pas juste à cause du chocolat chaud ? Et du livre de Fantasy qu’il a posé juste à côté, sur la table du café dans lequel nous nous sommes retrouvés ensemble pour la première fois ?
Cette citation de Desproges, pompée chez mon ami le pull, me fait penser « Et si on pouvait aimer soudainement pour une raison aussi triviale que celle qui a poussé Desproges à ne plus aimer cette femme ? »
« J’étais littéralement fou de cette femme.(…) pour sa voix cassée lourde et basse et de luxure assouvie, pour son cul furibond, pour sa culture, pour sa tendresse et pour ses mains, je me sentais jouvenceau fulgurant, prêt à soulever d’impossibles rochers pour y tailler des cathédrales où j’entrerais botté sur un irrésistible alezan fou, lui aussi. »(…)« J’avais commandé un Figeac 71, mon saint-émilion préféré. Introuvable. Sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Eclatant en orgasme au soleil. Plus long en bouche qu’un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue. Elle a mis de l’eau dedans. Je ne l’ai plus jamais aimée. »
Alors, je pourrais dire « Je commençais à peine à apprécier cet homme. (…) pour ses yeux grands et pétillants de jeunesse inassouvie, pour sa culture, pour sa tendresse et pour l’élégance de ses cheveux poivre et sel, je me sentais doucement attirée, prête à soulever des rochers de convenance pour chercher dessous des montagnes de douceur contre lesquelles me lover. »(…) « J’avais commandé un chocolat chaud par une tiède soirée d’été, ma boisson préférée. Introuvable dans les bars dès qu’il fait plus de 25°. Sublime. Onctueux et parfumé comme un péché d’enfant. Défiant de la subtilité de son arôme toutes les chopes de bière qui traînaient alentour. Il s’est assis devant, a posé un livre fantastique sur la table et m’a dit « c’est ce que je prends également. » Je l’ai tout de suite aimé. »
Peut-être qu’il ne faut parfois pas plus qu’un chocolat pour sauter le pas…
MECANISME DE LA FUSION, part 2: Une même quête ?
Depuis ma précédente note sur les hommes et les sacs à main, mon idée se conforte. Il est aussi dur de trouver le sac idéal qu’épouser le prince charmant. J’ai fait cette constatation à la lecture de L’art de la simplicité dans lequel Dominique Loreau cite en 16 points ce que doit être un bon et beau sac. Ces 16 critères essentiels ne sont pas sans rappeler ce qu’on peut attendre d’un homme à mon avis…
Pour elle, le sac idéal doit:
- être aussi beau à l’intérieur qu’à l’extérieur (un peu comme Richard Gere depuis qu’il verse dans le bouddhisme),
- être de prix mais d’apparence simple (comme mon homme à moi, nanana…)
- faire office d’objet de décoration et apporter une touche d’élégance sur un canapé ou à vos pieds (à mes pieds, oui, je veux bien ;-))
- faire office d’accessoire de mode, au bras ou sur les genoux (je préfère au bras parce qu’avoir Richard Gere sur mes genoux… pfff)
- être doux au toucher et ne pas écorcher la main (ni la joue, ni la bouche tant qu’à faire !)
- procurer un plaisir secret chaque fois qu’il est utilisé (oui, oh ouiiiiiiiiiiii !)
- se métamorphoser de façon attrayante au fil du temps. Un bon sac devrait durer plusieurs décennies. un sac neuf n’est pas beau. Patience (vous notez les filles ?)
- être assez neutre pour s’harmoniser à toute votre garde-robe (et à toute votre clique de copines)
- être fabriqué dans un cuir souple grâce à des peaux de bêtes élevées dans de bonnes conditions et bien nourries. (demandez lui s’il a été allaité)
- ne pas craindre la pluie (surtout si vous rêvez de l’emmener vivre avec vous en Angleterre)
- avoir une bandouillère ni trop courte ni trop longue (no comment)
- être conçu avec des clous à sa base pour pouvoir être posé au sol sans risque d’être taché (mon homme aurait plutôt besoin d’un bavoir XL)
- être à votre taille afin de flatter votre silhouette. (juste un peu plus grand que moi et plus large ferait donc l’affaire)
- être sans angles durs (qui tuent féminité et douceur) ni formes trop rondes (autrement: régime et pierre ponce pour Albert)
- ne jamais peser, plein, plus de 1.5kg (mettez le au gin plutôt qu’à la bière)
- être agréablement rempli (no comment sinon on va me considérer comme une fille matérialiste et intéressée)
Franchement, vous ne trouvez pas que, entre homme et sac, c’est un peu la même quête ?
Mécanisme de la fusion
Je ne suis pas très sac à main mais il faut bien admettre qu’il y a des moments dans la vie d’une femme où le sac à main s’impose. A une party, par exemple. Ou à un entretien. Ou à une réunion de filles chiquissimes. Difficile de s’y rendre avec un tailleur ou une petite robe d’été et un sac à dos, n’est-ce pas ?
Après un an de poussette fourre-tout, j’ai décidé de m’offrir un sac de fille pour la rentrée, un truc qui encombre les mains, qui glisse tout le temps de l’épaule, qui a une capacité de stockage ridicule… mais qui est diablement féminin.
C’est mon sac, mon petit sac en cuir lilas acheté dans un magasin de dégriff pour trois fois rien. Après l’avoir eu pendu à mon bras pendant toute une matinée, j’ai décidé de l’appeler Lily.
Ben oui, je suis profondément animiste. Je vénère mes tasses à thé, j’embrasse ma voiture, je parle à mes lampes comme à mes lapins… Pourquoi ne donnerais-je pas un nom à mon sac ?
Les it bags du moment portent pour la plupart un prénom: Marcello (qu’est-ce qu’il est beau le Marcello !), Billy, Kelly, Birkin, Raoul… Il parait, d’après la maison Cartier, que c’est pour “souligner le rapport de séduction quasi fusionnel du sac que l’on choisit, qui séduit et qui fait des envieuses.”
Cela explique peut-être pourquoi j’ai eu peu de sacs à main depuis mon adolescence mais beaucoup de sacs à dos. Mes rapports fusionnels n’ont jamais duré plus longtemps que les sacs à 3 centimes vendus à la caisse de mon supermarché.
Je ne suis pas une fille fusionnelle, voilà tout. J’ai quand même cherché à créer une illusion d’intimité avec ce sac.
- Chéri, tu veux bien me passer mon Lily, stiouplé ?
- Ton quoi ?
- Ben mon sac…
- T’as vu mon chéquier ?
- Oui, il est dans la poche intérieure de mon Lily.
- et le gel 1eres dents ?
- Mais dans mon Lily, voyons !
Franchement, ça ne marche pas. La fusion ne s’est pas encore produite entre mon bout de cuir et moi. Lily ne reste pour moi qu’un sac, un joli sac de fille - mon joli sac de fille, certes, mais un sac quand même.
Peut-être que je m’empêche tout simplement d’avoir une relation intime avec mon sac à main parce que je lui ai donné un prénom de fille.
J’aurais dû faire comme Jérome Dreyfuss et l’affubler d’un prénom de footballeur.
Non
Si j’avais dû tomber raide dingue d’un sac, il aurait fallu l’appeler “Sean” ou “Elliot”, des prénoms qui me font vraiment frémir.
Le Sean aurait été coupé dans un beau cuir marron digne d’une fauteuil de gentlemen’s club avec une glissière rouge pour l’insolence et une fine anse rigide pour l’élégance. L’Elliot aurait plutôt été un large cabas taillé dans la peau d’un méchant dragon terrassé par le plus valeureux de tous les chevaliers, Sean le preux cuirassé en personne.
Comme je n’ai pas un smic à mettre dans un sac, aussi beau et luxueux soit-il, je me console en me disant que, à défaut, j’ai un homme, un vrai. Pas aussi fin qu’un Sean (prononcez “chone”, please, pas “chine”) mais c’est un modèle tellement unique que je ne l’échangerai pour rien au monde.
Mon homme, c’est un peu une besace, à mi-chemin entre la besace de l’étudiant et celle de l’ouvrier. Le grain de son cuir est magnifique, un peu vieilli par endroit mais ça lui donne un charme vintage qui me laisse raide dingue. C’est une belle besace en cuir marron avec une doublure en velours côtelé - solide la doublure, très solide, comme la bandoulière d’ailleurs - ni fine, ni large mais incroyablement solide et un peu râpeuse sur la peau nue. Il porte deux grandes poches devant fermées par glissière et une grande poche intérieure dans laquelle s’ébrouent gaiement petites pièces et miettes de biscuit. Dans la partie centrale, on trouve des tas de magazines d’informatique et la revue technique d’une vieille 4L. En fouillant bien, on parvient à en extirper aussi quelques tomes d’une quelconque décalogie de SF et une pierre d’alun.
C’est un sac pratique - pas un mari qu’on trimballe dans les soirées pour porter notre boîte de tampon - c’est un sac pour la vie, solide, large, beau et assez souple.
Et votre homme à vous, quel genre de sac est-il ?
Critique amoureuse des Français
« Peut-être que la morale de ce livre est tout simplement la suivante : les Français souffrent beaucoup de leur besoin ancestral (désormais totalement inutile) de se prouver à eux-mêmes, et aux autres, qu’ils sont tout simplement « exceptionnels ».
A mon avis, ils vivront beaucoup mieux le jour où ils accepteront d’être « normaux » ; exactement comme tous les autres peuples d’Europe et du monde. Accepter la normalité est beaucoup plus relaxant que de devoir toujours s’imposer. La normalité n’a pas vocation à épuiser le système nerveux. Voilà un beau sujet de réflexion pour le pays numéro un mondial de la consommation d’anxiolytiques. »
Dans « Critique amoureuse des Français », Alberto Toscano[1] revient sur un grand nombre d’idées reçues (Paris, capitale mondiale, la cuisine française, le vin, le fromage, la baguette, le référendum, la France terre d’accueil…) et les passe à la moulinette comme sa grand-mère aurait pu passer notre président au presse-purée. Il dit « En France, il y a comme une liturgie sacrée et compliquée autour de tout ce qui touche à la gastronomie nationale.(…) Comme dans le cas du prêt-à-porter, une certaine philosophie du prêt-à-manger à la française cultive l’image et recherche des lettres de noblesse au nom du business bien plus qu’au nom du goût. ».
En ce qui concerne « la proverbiale efficacité du système de protection sociale et des services publics à la française », il estime que la France est en avance sur les autres pays mais dans certains cas cette avance est en train de se réduire sensiblement. »
Et puis les chaussettes, messieurs… enfin ! Personne ne vous a appris qu’il fallait les porter hautes ? Quand j’ai lu le passage sur l’élégance à la française, j’étais dans le tram. J’ai regardé les hommes autour de moi au niveau des chevilles et… j’ai souri car ce n’était pas joli, joli. Alberto avait raison. Heureusement qu’il nous rappelle au final qu’il est faux de penser que les Français ne savent pas rire d’eux-mêmes… ;-)
Un essai à déguster avec une bonne tasse de café et un croissant au beurre !
NOTE DE L’ESCARPIN: 5/5
“Critique amoureuse des Français”
Alberto Toscano
Éditeur : Hachette Littératures
Collection : Essais et Documents
[1] Alberto Toscano est italien. Diplômé en sciences politiques, journaliste et écrivain, il habite en France depuis 1986 et collabore à plusieurs médias italiens et français. Ex-président de l’Association de la presse étrangère et actuel président du club de la presse européenne, ancien chroniqueur sur France Inter, il participe aujourd’hui entre autres à « On refait le monde » sur RTL, « Kiosque » sur TV5 et « C’est dans l’air » sur France 5.

