Cahiers de lecture: sous l’oeil de l’occupant
Par Flannie • 31 oct, 2010 • Catégorie: Derniers coups de talons, La photographie •Mes chères pointures, habitué(e)s ou anonymes, Isabelle, Poumok, Fanette, Catherine, Miss Brownie et Bulles d’infos,
je n’avais pas prévu d’écrire grand-chose ce week-end dans la rubrique du livre du dimanche mais la lecture d’un article dans Rue89 au petit-déj m’a fait changer d’avis.
Sous l’oeil de l’occupant est un livre fort. La plupart des photos qui le composent sont inédites et montrent le travail de la propagande allemande au travers de photographies de la France occupée durant la Seconde Guerre Mondiale.
Là, des apprentis nazis à Thionville
et là un couple mixte.
J’ai plus d’une fois entendu ma grand-mère me raconter des anecdotes plus ou moins romantiques sur les couples mixtes qui se formaient dans son voisinage durant la guerre. Est-ce que le couple sur la photo était juste un objet de propagande ? Est-ce qu’ils s’aimaient vraiment ?
Grâce à ma grand-mère, qui était la seule sage-femme d’une petite ville du Nord et de la campagne environnante durant la Seconde Guerre Mondiale, j’ai appris beaucoup, beaucoup de cette guerre - bien plus que dans les livres d’histoire. J’en retiens des tas d’histoires, plus ou moins marquantes, plus ou moins croustillantes, de sa jeunesse et si j’avais eu la présence d’esprit de m’atteler à la tâche avant que sa mémoire commence à défaillir, j’aurais écrit avec elle « le journal d’une sage-femme sous l’occupation ». D’usines sabotées en voisines conspuées parce qu’elles étaient tombées amoureuses de l’occupant, de complots en jalousies pour des tickets de rationnement, de bombardements en accouchements, elle m’a appris une chose sur cette guerre: « ne point juger », ne point juger les petites gens comme les petits soldats qui étaient envoyés de par chez eux. Autant la Gestapo a fait du mal à plus d’une personne dans le Nord et ailleurs mais ma grand-mère m’a aussi appris ce que les livres d’école ne racontaient pas, que plus d’un soldat allemand envoyé occuper la ville faisaient en sorte de passer outre certains de leurs ordres parce qu’ils étaient aussi des êtres humains et qu’ils ne pouvaient laisser un enfant devant leurs yeux avoir faim… tout comme certains employés de mairie bien français dénonçaient à tout-va leurs concitoyens pour une bouchée de pain (l’histoire des fameux tickets de rationnement qu’il faudra que je vous raconte un jour…)
Ce qui m’attriste le plus, c’est qu’un ami allemand m’a un jour aidé à emménager chez ma grand-mère entre deux voyages et, devant le pas de sa porte, il s’est arrêté d’un air incroyablement gêné en me disant « ta grand-mère, elle va accepter qu’un allemand rentre chez elle ? »
…
Bref, je remercie ma grand-mère de m’avoir donné une vision de la guerre sans parti pris, à l’échelle du quotidien, et je remercie également Cécile Desprairies de nous offrir elle aussi une toute autre vision de ces années d’occupation, même si le résultat peut-être dérangeant (les photos qui me dérangent le plus étant celle des apprentis nazis à Thionville et la suivante…)
Le mot de l’éditeur:
La défaite de 1940 emporte l’armée française et livre le pays à l’invasion allemande. Pendant quatre ans, les Français vont connaître l’Occupation. À travers une centaine de photographies exceptionnelles, ce livre offre un témoignage méconnu sur la France durant la Seconde Guerre mondiale.
Ces images prises par l’occupant ont attendu plus de soixante ans dans les archives allemandes et françaises avant d’être réunies ici par Cécile Desprairies.
Souvent beaux, poignants, déroutants pour certains, ces documents dévoilent le regard de la propagande allemande. Ils sont à prendre avec une infinie précaution. Car la réalité y est souvent tronquée et travestie, parfois avec habileté. Ils ne disent pas la violence des répressions, les privations, ni les souffrances.
Grâce au patient travail d’analyse et d’interprétation auquel se livre l’auteur (la philosophe Cécile Desprairies) ces photos deviennent un authentique moyen d’accès aux réalités contradictoires de la France d’alors.
A voir et lire:
L’entrée des troupes allemandes
L’article de Rue89 (avec un diaporama et les commentaires de Cécile Desprairies).
Flannie :
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Si ce sujet t’intéresse, je te recommande un livre remarquablement écrit : « suite française » d’Irène Némirovsky.Cette période de l’histoire de France n’est pourtant pas ma tasse de thé mais là, je n’ai pu faire autrement de le dévorer du début à la fin, et de le refermer avec grande admiration.
Je me suis justement arrêtée sur un livre de cette auteure cette après-midi qui s’intitule Jezabel !
Alors c’est écrit : il faut que tu te procures un livre d’Irène
Je crois que c’est clair !
En ce moment, je suis entourée par de tant de livres alléchants que je ne sais plus où donner de la tête. C’est dans ces cas-là qu’on me propose toujours encore plus de pistes passionnantes !
Sujet passionnant en effet ! Et ce que rendent les photographies doit apporter un petit effet supplémentaire !
Merci Flannie, c’est une bonne idée de cadeau pour des gens intéressés par cette période.
Quand on y pense, la photographie a vraiment apporté une dimension supplémentaire aux deux grandes guerres mondiales qui se sont suivies. Je me demande si ce livre fera le tour des collèges…
Tu as raison : c’est fort….
Comme tu le disais dans ton mail, on se demande quelles réflexions nous ferions si ces images avaient été prises dans un autre pays et non pas le nôtre…