Chaque automne, c’est la même chose: je repars en quête d’un certain esprit masculin-féminin doublé de teintes marron, prune et bronze qui se marieraient à merveille avec mon ami de toujours, Alfred Brown.

Puis, bizarrement, au moment où j’ai le moins d’argent dans mon porte-monnaie, je me souviens que je ne l’ai pas réparé… Cette fois, je suis quand même allée le présenter au docteur du cuir pour une estimation. La petite dame toute ronde, aussi bienveillante que le Dr Doolitle de mon livre de gosse, m’a dit que j’en aurais pour 80 euros.

80 euros, c’est… Adios le duffle-coat de grossesse et bonjour l’oversize de Jondalar pour le 3e trimestre jusqu’à mon accouchement. 80 euros, c’est… une somme qu’on ne compte pas quand on aime tant un vêtement.

Vous ai-je déjà raconté l’histoire d’Alfred ? (si oui, allez vous faire chauffer une tasse de thé. Sinon, restez et écoutez de toutes vos oreilles).

Alfred est une vieille et longue veste en cuir marron qui a été créée il y a fort longtemps en Angleterre par un tailleur de Nottingham digne de celui qui terrassa quelques géants dans les contes de mes enfants.

Du moins, c’est comme cela que je l’ai imaginé car une partie de l’étiquette est élimée et je ne peux plus lire exactement le nom du monsieur.

Toujours est-il que, un jour, un brave menuisier rentra de la guerre sans un sou en poche. Il retrouva sa femme, plus dure qu’il ne l’avait laissée, devenue experte en coups de poing pour préserver les rations alimentaires de la famille face aux peu scrupuleuses voisines. Il rencontra son fils qui était déjà plus haut que trois pommes et entreprit de retrouver du travail pour subvenir aux besoins des siens.

Mais les semaines passèrent sans que le travail se présente. Le brave menuisier, peut-être inspiré par la facilité avec laquelle son épouse se battait, envisagea alors de gagner quelques sous en se servant de ses poings.

Dans des combats de rue, il s’engagea. Non pas comme un coq mais comme un homme qui avait de larges poings et une famille à nourrir. Il n’en fit pas beaucoup. Il ne se sentait pas l’étoffe d’un boxeur mais un jour il gagna cette veste en cuir qu’il porta de temps à autre après avoir retrouvé un meilleur emploi de ses mains, un emploi dans la menuiserie.

Et quand ce monsieur fut très vieux, cette veste il m’offrit et du haut de mes 20 ans je me suis mise à me pavaner dans ce manteau qui semblait avoir été fait pour moi. Chaque fois que quelqu’un m’arrêtait pour me demander où j’avais pu m’acheter une veste pareille, je rétorquais comme une belle crâneuse « Ah, si vous saviez ! »

A dire vrai, j’ai beaucoup aimé le monsieur qui me l’a offerte et je crois même que je donnerai son nom, le même que celui d’un autre vieux monsieur qui m’a donné beaucoup d’amour, à Shrink si celui-ci se révèle avoir des testicules.

J’ai aussi beaucoup aimé son histoire. Dans l’histoire de ma veste, il n’y a ni bons, ni méchants, juste des gens qui vivaient dans un autre temps et qui étaient bien obligés de survivre en dehors de nos bien douillets critères du XXIe siècle.

Dans quelques jours, je vous montrerai avec quels nouveaux vêtements j’ai envie de le faire flirter parce que… à nouvelle coupe de cheveux et nouveau bébé, j’ai vraiment envie d’offrir du neuf à mon vieux

D’ici là, je m’en vais le lustrer au beurre de coco.