Une fin d’année mémorable

Vous savez ce qu’il y a de bien avec les papillotes ?

C’est qu’on peut se gaver de chocolat tout en testant les limites de la profondeur du pantalon de la cervelle des collègues particulièrement gavants. Ou des cousins. Ceux qu’on est content de ne croiser qu’une fois l’an (pas comme les collègues de bureau…) parce qu’on a beau chercher, on ne se trouve aucune affinité avec eux. Supporter des types hyper lourds tous les jours parce qu’on partage quelques mètres carrés avec eux demande déjà une prime à la fin de l’année mais que faire avec des cousins très, très éloignés avec qui on n’a malheureusement qu’une pincée d’épices en commun (rapport qu’on s’appelle Pepper, nous !) et aucune autre affinité - devrais-je dire « lourdité » ?

Ben, on se gave de papillotes et chaque fois qu’un cousin approche on met notre petite bouche pleine de chocolat en cul de poule et on s’écrie « Oh, tu la connais, celle-là ? « Je tiens ce monde pour ce qu’il est: un théâtre dans lequel chacun doit tenir son rôle. » (et ses distances) C’est de Shakespeare. Tu as lu Mcbeth ? (Pourquoi McBeth ? Parce que c’était moins long à prononcer que Songe d’une nuit d’été). » Généralement, le cousin lourd n°1 repart illico et on pense avoir gagné le premier round.

Flannie: 1 / Cousins: 0

C’est sans compter le cousin Hagard Dunord qui nous soulève soudain dans ses gros bras et nous presse si fort qu’on entend nos côtes se briser une à une. Il est gentil et plein d’amour, le vieux cousin, mais sa barbe sent tellement le hareng qu’il nous faut double ration de chocolat noir pour masquer les odeurs. Et là, encore, il ne parle pas. Quand il ouvre la bouche, le pauvre Hagard, on préférerait à la rigueur qu’il la cache dans sa barbe. D’où la provision de papillotes au malakoff qu’on garde au fond de la poche au cas où il viendrait à passer dans le coin. Ce n’est pas tant pour nous taper une indigestion que lui enfourner dans le bec pour masquer les relents de poisson qui émanent de son gosier sonore. Ca nous permet en plus d’avoir un petit stock de citations pas piquées des vers pour couper la chique aux autres cousins, les Rottweiler (« Il faut toute la vie pour apprendre à vivre » (pour Sénèque mais moi je trouve qu’il faut quelques centaines de générations pour cousin Rott) comme les Rockfeller (« Si vous voulez que la vie vous sourit, apportez lui d’abord votre bonne humeur. » Spinoza - et ne votez pas pour Sarkozy la prochaine fois). Cela nous amène généralement à…

Flannie: 4 ou 5 / Cousins: 0

Le pire arrive quand monte une sévère envie de pissoter et qu’il faut slalomer le plus diligemment possible entre les tables afin d’éviter la Grande Cousine par-un-Colley-montée et sa mère qui ne comprennent pas pourquoi je ne leur donne pas plus souvent des nouvelles des prouesses scolaires de mon aîné (qu’elles savent pertinemment avoir quelques soucis d’adaptation) et là je pense à la petite citation contenue dans la papillote chocolat noir/crème passion que j’ai lancée dans la bouche du cousin Hagard par mégarde (la crème aux fruits de la passion se marie très mal avec le hareng):« Bien-être: état d’esprit produit par la contemplation des ennuis d’autrui. » Ambrose Bierce.

Flannie: 5 / Cousines: 1

Je me console avec un fourrage au praliné et cette citation de Corneille en contemplant ma tablée: « Et quand on n’a pas ce qu’on aime, il faut bien aimer ce qu’on a. » Très sage, ce Corneille.

Voici généralement ce qui arrive tous les ans avec quelques variantes. Chaque année, je crois m’en sortir les doigts dans le chocolat mais finalement…

Lors de la réunion 2009 des épicés du bulbe, des Salt et des Pepper, des Colonel Moutarde, des taties Coriandre et autres branches pimentées de notre grande famille Pepper, j’en étais là de mes petites papillotes quand, soudain, cousin Bernard qui n’est pas le dernier pour en déguster nous a presque achevé: « Chacun de nous est une lune avec une face cachée que personne ne voit. » Mark Twain. Il a dit cela quand tante Jacqueline est passée. Mais pas son postérieur . Lui, il ne passe jamais là où l’espace est réduit. J’avoue, c’était très drôle. merci, Révillon !

Flannie: 6 / Cousins: 2

La citation de la fin, quant à elle, n’est arrivée qu’au moment de la salade quand lourde cousine n°… (j’ai arrêté de compter) s’est assise à côté de moi avec le regard qui en disait long sur ses subtiles intentions de conversation. J’ai sorti mon dernier petit bout de papier de la poche et…

« Manger. Si ce que tu manges ne te grise pas, c’est que tu n’avais pas faim. » André Gide., ai-je déclaré en espérant échapper aux sempiternels conseils concernant la carrière de Sergent. J’étais même plutôt fière de moi sachant que lourde cousine n°… fait autant grincer les chaises que mes dents.

Et là, derrière la lourde cousine n°… est apparu son frêle petit mari au crâne à moitié dégarni comme un nid de vautour. Sous son long nez de vieille sorcière, j’ai vu ses lèvres se contorsionner et l’ai entendu s’écrier en me regardant: « Ptain, la cousine, t’as dû te griser souvent, cette année ! »

Flannie: 6 / Cousins: 10 000

J’ai retiré Gide de ma bibliothèque.

PS: J'attends les derniers textes pour le concours Abanico.
Résultats samedi prochain, mes petits talons !
--------------------------------------------------------------------------------------------------

5 Responses - Add Yours+

  1. flou dit :

    je me souviens d’une année où on s’ètait trompè en achetant les papillottes, dedans à la place des citations il y avait… des pétards… et ben c’était drolement moins rigolo…

  2. babouchka dit :

    Bravo ma Flannie pour cette tranche de vie. C’est comme ça que je t’aime!
    Ajoutons la citation de Jules Renard, que tu ne trouveras jamais dans une papillotte, et pour cause, c’est pas fait pour les réunions de famille : « Tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin »
    Et puis celle-ci, du merveilleux Audiard « Faut pas parler aux cons, (oui mets des étoiles, va, ceci est un blog de bonne tenue) ça les instruit ». et dans la meme veine « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait ».
    Dernier point : tu devrais te reconvertir dans la papillomancie, je suis sûre que tu ferais fortune. La papillotte au service de l’avenir !

  3. Flannie dit :

    @ FLOU: Avec des pétards, ça peut être très drôle aussi !
    @ BABOUCHKA: On devrait ouvrir un cabinet ensemble de poilopathie/papillomancie ;-) Un tabac, on ferait !

  4. babouchka dit :

    non, pas un tabac, les débits du buraliste, c’est galère. Mais je ne suis pas contre le fait qu’on propose nos nouvelles méthodes de trucomancie. Au fait, la poilopathie, t’en es où?

  5. Isa dit :

    Pour ma part, plus de papillottes et on a restreint les fêtes de fin d’années à la famille trés proche, ceux que l’on que l’on cotoie toute l’année ..

Leave a Reply