Alabama Song

By L'escarpin ~ août 8th, 2009 @ 17:09

« Il en est qui se cachent pour voler, pour tuer, pour trahir, pour aimer, pour jouir. Moi, j’ai dû me cacher pour écrire. J’avais vingt ans à peine que déjà je tombai sous l’emprise - l’empire - d’un homme à peine plus vieux que moi qui voulait décider de ma vie et s’y prit très mal. »

Une fois sec, j’ai quitté Annecy et Bvlgari pour l’Alabama et Gilles Leroy[1]. En un aller-retour, j’ai fait la connaissance d’une femme hors du commun, une femme que j’ai vu vivre, frémir, aimer, jouir, marcher toujours un peu plus près du précipice jusqu’à sombrer avec une élégance que même la folie n’a pu lui enlever.

Je veux parler ici de Zelda Fitzgerald, l’épouse du célèbre écrivain américain Francis Scott Fitzgerald. D’elle, je ne savais rien avant d’ouvrir ce livre primé par le Goncourt en 2007.De lui, je connaissais The Great Gatsby (Gatsby le magnifique), Tender is the Night (Tendre est la nuit), L’étrange histoire de Benjamin Button et Un diamant gros comme le Ritz.

Je ne le trouvais pas formidable même si Zelda, elle, voulait bien croire au début de leur histoire qu’il serait un des plus grands écrivains des Etats-Unis et peut-être même du monde. Tandis que mes compagnons de wagon n’avaient d’yeux que pour L’élégance du hérisson que j’avais déjà lu et relu avant de partir, je découvrais le destin hors du commun de cette femme inoubliable. Mon talon frémit plus d’une fois de dégoût tandis que j’entrais un peu plus dans la vie de Scott lui-même. Qui aurait voulu être l’épouse de cet alcoolique au talent tout relatif ? ai-je pensé au détour de quelques pages…

Un extrait parmi tant, peut-être parce que j’ai encore plus aimé cette femme après ces quelques lignes, moi qui rêvait d’être ballerine sous mon escarpin et qui n’ai jamais osé re-forcer le destin :

Je voulais être une ballerine. On ne commence pas la danse à trente ans, m’avait dit Lioubov, mais j’ai posé une belle liasse de billets verts sur la table. « J’ai vingt-sept ans, madame. Et j’ai dansé, enfant, jusqu’à seize ans. » Elle a haussé les épaules et tiré plus fort sur la cigarette rose à bout doré. « Alors, c’est à peine si vous aurez besoin de moi. »

J’aurais voulu qu’on me laisse le temps. Avant d’être étoile, avant même d’être corps de ballet, qu’on me laisse être une débutante, une petite fille à tutu ridicule, un petit rat menu et rapide. A vingt-huit ans, on n’a plus le temps. C’est fichu, me disaient les yeux peints de Lioubov… »

Bien sûr, Giles Leroy nous rappelle que ce livre dans lequel il prête sa plume à Zelda n’est qu’œuvre de fiction - une fiction fort bien documentée, du reste - mais comment ne pas prendre parti pour celle qui a été internée par son mari à plusieurs reprises, celle qui a dû se cacher pour aimer et écrire ?

Quand j’ai refermé mon livre, Zelda n’était déjà plus dans le wagon. Alors, vite, avant que son ombre disparaisse, j’ai fait miens les derniers mots de Gilles Leroy et lui ai murmuré à mon tour : « Adieu, Zelda. Ce fut un honneur. »

Si vous avez un peu d’ironie et beaucoup d’élégance, vous le rangerez dans Gatsby, le dernier né de chez Longchamp ;-)

et vous relirez Gatsby le magnifique par la même occasion !


[1] Gilles Leroy est né en 1958. Après des études de lettres, il devient journaliste et publie son premier roman en 1987. Il quitte Paris en 1995 pour s’installer dans un hameau du Perche. Il est l’auteur notamment de Machines à Sous (prix Valérie Larbaud 1999), L’amant russe (2002), Grandir (2004), Champsecret (2005), et Alabama Song, récompensé par le prix Goncourt en 2007.

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2 Responses to Alabama Song

  1. admin

    « Si la princesse Miagki ne manquait jamais son effet, c’est qu’elle disait avec bon sens, mais pas toujours avec à-propos, des choses fort ordinaires. Dans le monde où elle vivait, ce gros bon sens tenait lieu d’esprit. Son succès l’étonnait elle-même, ce qui ne l’empêchait pas d’en jouir. »
    (Anna Karenine, Leon Tolstoï)

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