Le théorème de la fessée, suite

Par Flannie • 30 mai, 2009 • Catégorie: Du côté des petites pointures

Je vous parlais mercredi de la fessée et précisais à la fin qu’Olivier Maurel venait de publier un autre livre, « Oui, la nature humaine est bonne ! » (ou comment la violence éducative ordinaire la pervertit depuis des millénaires) chez Robert Laffont.

J’ajoute ici quelques extraits de ce livre en rapport avec notre débat:

« Quatre vingt à quatre vingt dix pour cent d’entre nous ont reçu des coups de leurs parents. Et la première chose que ces coups nous ont apprise, dès nos toutes premières années, c’est qu’il est parfaitement normal que les parents punissent leurs enfants par des coups. Cette conviction est inscrite en nous depuis si longtemps, bien avant que nous ayons la possibilité d’y réfléchir, que contester cet usage paraît à la majorité d’entre nous aussi saugrenu que de contester le fait de se laver ou de se coiffer.

De plus, comme nous avons généralement un fort attachement à l’égard de nos parents, surtout lorsque nous les avons perdus, nous ressentons toute contestation de leur méthode d’éducation comme une injure à leur mémoire.

Mais si l’on parvient à se détacher de cette conviction inculquée dès l’enfance et si l’on étudie de près la pratique de la violence éducative, on ne peut qu’être amené à s’interroger sur les conséquences que cette pratique a pu avoir sur la nature humaine. Est-il possible qu’elle n’en ait pas été lourdement marquée ? »

Choix de l’expression « violence éducative ordinaire »:

Tout se passe comme s’il existait, dans l’échelle de la violence infligée aux enfants, une barrière invisible et fluctuante selon les personnes, selon les familles, selon les pays et selon les législations, au-delà de laquelle on est dans l’abominable maltraitance qui soulève l’indignation générale, mais en deçà de laquelle, sans qu’il soit possible de définir précisément à quel moment on passe de l’une à l’autre, on est au contraire dans la « pose de limites », dans le « droit de correction », dans la discipline, dans la fermeté, dans la parentalité responsable.

En un sens, le but de ce livre est de montrer que les violences tolérées ont, elles aussi, des conséquences graves, et qu’il faut donc les faire entrer sans ambiguïté dans la définition du mot « maltraitance », aussi bien que les coups de bâton ou de ceinture.

Il faut donc se rabattre, faute de mieux, sur l’expression ambigüe de « violence éducative ordinaire ». Mais son ambigüité même est intéressante, car elle présente l’avantage d’inclure, à travers le mot « violence », le jugement de ceux qui la contestent, à travers l’adjectif « éducative », le but que lui attribuent ceux qui l’utilisent et la justifient, et enfin, dans l’adjectif « ordinaire », la quotidienneté de son emploi et la tolérance dont elle jouit.

Un rappel tout bête:

Donner un coup est un geste qui se décompose en deux temps: la prise d’élan, en quelque sorte, le recul de la main ou du pied, pour donner plus d’énergie au membre qui va frapper, et le coup lui-même. Bref, c’est un geste qui demande une certaine coordination et l’intention de lui donner suffisamment de force pour qu’il fasse mal.

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26 Réponses »

  1. Le premier extrait est effectivement en totale adéquation avec ce qu’on disait l’autre jour ! C’est tout à fait ce que je voulais exprimer dans la notion de paradoxe que la punition corporelle évoque pour moi.

    Cependant, j’ai aussi le sentiment que ces mots cherchent à faire passer la pilule qui vient après : ils déculpabilisent les parents en disant que si ce genre de punition est usitée, c’est qu’elle fait partie de nos modèles et qu’elle est ancrée en nous, pour finalement atterrir sur le constat que, dès lors que le geste est utilisé une fois, c’est foutu, l’enfant a déjà détecté la possibilité pour un parent d’effectuer ce geste envers son enfant.
    Alors, déculpabilisant or not ??

    Et alors concernant le « rappel » de la fin, je m’insurge !!
    1- Je ne crois pas que le but soit de faire mal, en tout cas chez la majorité des parents qui utilisent la punition corporelle. C’est une manière de dire stop par le physique (je ne dis pas que c’est bien), mais une tape où qu’elle atterrisse (main, joue, fesses), peut ne pas faire mal. Alors bien sûr, le geste est bel et bien là, et il compte sûrement autant que l’éventuelle douleur, mais c’était pour nuancer… ;-)
    2- Comme certaines le soulignaient la dernière fois, bien souvent, le geste part sans que le parent ait eu le temps d’y penser… Parle-t-on malgré tout d’intention dans ce cas ? (je me pose vraiment la question).

    Et sinon, en quoi ce livre est-il différent du précédent ? Traite-t-il plus largement du sujet ? Ou est-ce une suite ?

    PS : Alors voyons… combien de commentaires ce coup-ci…? ;-)

  2. Pour résumer ces propos rapidement, de façon un peu laminaire, nous sommes tous des bourreaux d’enfants, en tout cas tous ceux qui un jour ou l’autre ont fait usage de « violence éducative ordinaire ». Nous sommes tous passibles du pénal, puisque donner une claque occasionnelle à un enfant revient à la même chose que lui balancer des mandales dans la tronche ou l’éreinter à coups de ceinture. Mais 90%, ce sont les chiffres, n’est-ce pas, des parents devraient se retrouver sous les verrous et les enfants à la DDASS, bonne idée pour faire reculer le chômage, la création à tour de bras de « famille d’accueil » pour enfants battus. Et ouvrir des postes pour juges d’enfants parce que ça va tomber !
    Pardon, mais ces propos sont risibles car ils sont excessifs et s’il est une chose qui dessert celui qui avance une théorie, c’est bien le ridicule de l’excès.
    Je m’en vais donc de ce pas me livrer à la justice pour avoir frappé ma fille les jours où elle était trop infernale pour comprendre autre chose qu’une claque sur les fesses. Je regrette d’ailleurs de ne pas lui avoir filé de coups de ceinture, puisque le tarif devrait être le même.

  3. Du calme, les filles ! Je n’en suis qu’au début du livre. Pour l’instant, j’en suis aux définitions et aux punitions dans l’histoire. C’est effrayant, à dire vrai.
    Je pense que ce livre est à prendre comme une prise de conscience générale.
    Quant au coup, j’ai du mal à imaginer qu’on donne une baffe ou une fessée sans intention de faire mal. Même la petite tape sur la main est un rappel physique qui fait un petit peu mal, non ?

  4. Je ne sais pas… pour moi, c’est du même ordre que (désolée pour la redite, j’ai déjà illustré mes propos avec ça la dernière fois) le chat qui fait semblant de nous mordre pour nous prévenir d’arrêter parce que ce qu’on fait ne lui plaît pas du tout ! Il ne mord pas vraiment, il ne nous fait pas mal, simplement le geste qu’il fait avec sa gueule nous fait peur (peur qu’il aille plus loin), donc on se retire, on arrête ce qu’on lui fait, mais on n’a pas vraiment mal…

    Je suis certes d’avis que ce geste signifiant « attention » ou « ça suffit » chez le parent a un impact sur l’enfant, mais je trouve que les propos du bouquin sont tout de même à nuancer… ;-)

    Ceci dit, je suis ravie que le débat continue, et qu’un autre livre vienne alimenter nos discussions !

  5. Franchement, je ne peux pas être d’accord avec ça..
    Evidemment le châtiment corporel pour le châtiment corporel est une aberration.
    Mais parfois avec un enfant, toute discussion devient impossible.
    Simplement parce qu’un enfant n’a tout simplement pas la maturité nerveuse pour se maîtriser.
    Un tout petit geste - même très léger - sert de stop et permet à l’enfant d’arrêter la machine qui s’emballe.
    Je vais vous paraître peut-être très réactionnaire, mais la vision de l’éducation basée sur le tout dialogue parents-enfants me paraît angeliste et irréaliste

  6. Je ne sais pas si je vais avoir le temps de répondre à toutes les remarques, mais je les prends dans l’ordre où elles viennent.

    Alors, déculpabilisant or not ??
    En fait, je ne cherche ni à déculpabiliser ni à culpabiliser. J’essaie de montrer que la violence éducative est un comportement nocif et à éviter. Avant de l’avoir compris, grâce notamment à la lecture des livres d’Alice Miller, il m’est arrivé de donner quelques gifles et je n’en suis pas fier. Je me sentirais coupable si je donnais une claque à un adulte, à ma femme ou à une personne âgée. Pourquoi ne me sentirais-je pas coupable d’avoir donné une gifle à un enfant ?

    dès lors que le geste est utilisé une fois, c’est foutu
    Non, sûrement pas ! Le geste de donner une gifle est à éviter, mais il n’est pas irrémédiable. S’il est accidentel, on peut s’excuser auprès de l’enfant. Le tout est qu’il ne devienne pas une méthode considérée comme normale.

    Je ne crois pas que le but soit de faire mal, en tout cas chez la majorité des parents qui utilisent la punition corporelle.
    C’est exact. D’ailleurs, si on a toujours frappé les enfants, c’était toujours « pour leur bien » : « C’est pour ton bien », pour ton éducation, pour que tu deviennes un homme… Il n’y a qu’à voir le nombre de proverbes qui conseillent de frapper les enfants, et à coups de bâton. Les parents qui bastonnent leurs enfants dans les pays où ce mode d’éducation n’a pas été remis en question veulent aussi leur bien. Dans un certain nombre de pays, comme la France, le niveau toléré de violence éducative a baissé. Mais il lui reste la même composante de violence : on prend son élan et on frappe. Même si le coup est faible. Et ce qui est important c’est que l’organisme de l’enfant ressent le coup comme une agression et réagit comme à toute agression par le stress avec toutes ses conséquences que je décris dans mon livre.

    en quoi ce livre est-il différent du précédent ? Traite-t-il plus largement du sujet ? Ou est-ce une suite ?
    C’est un approfondissement qui montre les effets de la violence éducative non seulement sur la santé physique et mentale de ceux qui la subissent, mais aussi sur leur façon de penser, leur manière de voir les enfants, de voir la nature humaine et donc de nous voir nous-mêmes. Même les religions ont été influencées par la violence éducative. Est-ce un hasard si Dieu est conçu comme un être ou un père qui aime ses créatures mais aussi qui les punit ? Et dans la Bible, on voit que les punitions infligées par Dieu sont comparées à celle des pères humains. A travers l’histoire, l’enfant a toujours été considéré comme la source du mal. Dans la Bible juive, il est considéré comme porteur de la folie, dans le christianisme comme porteur du péché originel. On l’a imaginé ensuite porteur d’instincts animaux violents. Puis Freud est arrivé et lui, il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : l’enfant naît avec des pulsions de parricide, d’inceste, de meurtre et d’anthropophagie ! On a parlé ensuite de « violence fondamentale ».
    Mais le plus extraordinaire c’est de voir que parmi tous les penseurs qui se sont interrogés sur la nature humaine, pas un, je dis bien pas un jusqu’à Alice Miller, n’a vraiment tenu compte du fait que la quasi totalité de l’humanité a subi la violence de ses parents et de ses enseignants pendant toute la durée de la formation du cerveau des enfants, du plus jeune âge à la majorité. Mieux encore, dans tous les livres publiés actuellement sur la violence par des chercheurs et universitaires qui font autorité (je les lis pratiquement tous), on ne trouve aucune mention de la violence éducative ordinaire tout simplement parce que ces chercheurs ignorent son existence et son importance. Et ils attribuent donc la violence aux enfants eux-mêmes (pulsions, instincts violents, etc).

    nous sommes tous des bourreaux d’enfants, en tout cas tous ceux qui un jour ou l’autre ont fait usage de “violence éducative ordinaire”. Nous sommes tous passibles du pénal, puisque donner une claque occasionnelle à un enfant revient à la même chose que lui balancer des mandales dans la tronche ou l’éreinter à coups de ceinture.
    Je comprends que vous réagissiez ainsi à la lecture des quelques lignes de mon livre qui ont été citées. Mais ceux qui, comme moi, demandent l’interdiction de la violence éducative, si faible soit-elle, ne demandent aucune sanction supplémentaire par rapport à celles qui sont déjà inscrites dans le Code pénal et qui sont d’ailleurs démesurées et par là inapplicables sauf dans les cas extrêmes. Nous demandons simplement que cette interdiction soit inscrite dans le Code civil qui ne comporte pas de sanctions. Il s’agit simplement de dire clairement qu’on n’a pas plus le droit de frapper un enfant qu’un adulte, une personne âgée ou un handicapé.
    Bien sûr qu’il n’y a pas égalité entre les formes de violence éducative et qu’un coup de bâton n’est pas la même chose qu’une tape sur la main. Mais le problème c’est qu’à partir du moment où on admet le principe qu’il est permis de frapper un enfant, il est inévitable qu’un certain pourcentage de parents, parce qu’ils sont excédés, accablés de soucis, seuls pour s’occuper de plusieurs enfants, parce qu’ils ont eux-mêmes été frappés violemment ou parce que leur enfant leur répond : « Même pas mal ! », en arrivent à dépasser de beaucoup le niveau de violence couramment admis (disons la tape, la gifle ou la fessée) et tombent dans la maltraitance caractérisée. En fait, la violence éducative ordinaire est le terreau de la maltraitance et on n’arrivera jamais à réduire la seconde si on n’interdit pas d’abord la première.

    Même la petite tape sur la main est un rappel physique qui fait un petit peu mal, non ?
    Exact. Pour le comprendre, il suffit simplement d’imaginer que notre compagnon ou mari, compagne ou épouse, nous donne, pas amicalement mais pour nous punir de quelque chose qui lui a déplu, une tape sur la main. Que ressentirions-nous ?

    c’est du même ordre que (désolée pour la redite, j’ai déjà illustré mes propos avec ça la dernière fois) le chat qui fait semblant de nous mordre pour nous prévenir d’arrêter
    Les chattes, les chiennes, effectivement, envoient parfois des coups de dents à leurs petits pour les « punir ». Mais ce comportement n’existe pas chez les singes les plus proches de nous, les bonobos, qui se contentent de prendre leur petit et de l’éloigner quand il fait quelque chose de dangereux. Et le niveau de la violence éducative dans l’humanité (qui, en l’occurrence, porte mal son nom !) n’a vraiment rien à voir, par son intensité et sa durée dans la vie des enfants avec les petits coups de dent ou de patte de nos animaux familiers.

    la vision de l’éducation basée sur le tout dialogue parents-enfants me paraît angeliste et irréaliste
    Il ne s’agit pas de dialoguer à longueur de journées. Il y a des cas où il faut savoir dire Non fermement. Dans certains cas aussi, il faut des gestes : empêcher physiquement un enfant de se faire mal ou de faire mal. Mais cela peut se faire sans violence quoiqu’avec fermeté. Et il existe aujourd’hui un bon nombre de livres qui aident à accompagner les enfants sans violence (p. ex. de Faber et Mazlish, Catherine Dumonteil Kremer, Gordon, etc.).

    Voilà, j’espère avoir à peu près répondu à vos remarques. Si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à revenir à la charge.

    Olivier Maurel

  7. C’est parce que tu considères que la seule alternative à l’éducation par la fessée est l’éducation par le dialogue. L’éducation par le dialogue n’implique pas que tu discutes de tout, tout le temps avec les enfants. Il y a aussi des phases de « non, parce que c’est comme ça », « non, parce que je l’ai dit et puis c’est tout ». On peut dialoguer et aussi être très ferme. Dialoguer n’est pas irréaliste, de par mon expérience, c’est simplement le mode d’éducation qui demande le plus d’investissement et de patience de la part des parents… mais le résultat peut être très gratifiant

  8. Ecoutes, franchement, je ne peux me baser que sur mon expérience personnelle. Mes fils ont reçu quelques fessées retentissantes.
    Sont-ils traumatisés ? Apparemment pas que je sache.
    M’en veulent-ils ? Visiblement pas plus que ça.
    C’est probablement assez réducteur, mais je camperais sur cette position.

  9. Merci M. Maurel pour ce long commentaire et vos réponses si personnalisées !!

    Effectivement, la méthode de punition que j’aurais tendance à utiliser (je n’ai pas encore d’enfants, mais je travaille pas mal avec les enfants, encore heureux la question de la punition corporelle ne se pose même pas dans ce cas !) est celle des singes, que vous citez…. Mettre l’enfant à l’écart, l’isoler, pas forcément longtemps, mais suffisamment pour qu’il se calme/qu’il comprenne qu’il a fait une faute. Cette méthode demande aussi d’expliquer à l’enfant par la suite les raisons de la punition, mais bon, ça fait partie de l’éducation, et au moins, la punition ne semble pas injuste, si on l’explique correctement.

    Cependant, je comprends qu’on puisse parfois être à bout de nerfs avec les enfants, et effectivement, comme le souligne Emanu124 (et d’autres dans le dernier billet), la punition corporelle « soft » ne semble pas traumatiser spécialement les enfants, et ne nous a pas non plus traumatisés (mais je comprends où vous voulez en venir quand vous expliquez que c’est justement là le problème) …

    L’enfant réagit visiblement avec stress, mais le stress fait partie de nos vie d’aujourd’hui, même les adultes réagissent avec stress, ce n’est pas en protégeant l’enfant de celui-ci (pour les 2 ou 3 fois qu’une tape sur la main arrive) qu’on résoudra ses problèmes futurs…
    Pour le coup, je me sens plus concernée par l’argument sur la manière dont nous influence la violence éducative telle qu’elle a existé avant nous, et sur la façon dont elle nous fait agir comme si cette violence était normale.

    En bref : je suis consciente d’être conditionnée de la manière dont vous l’expliquez si bien, et vous me voyez aussi ravie qu’un seul geste ne rende pas les choses foutues ;-) et qu’il soit réparable, mais (ne m’en voulez pas) je suis un peu sceptique quant aux changements que l’on peut cependant espérer avec vos livres, sans doute parce que comme je le disais dans un commentaire à propos de l’article sur votre premier livre, le parent lambda n’est pas choqué autant que vous par la punition corporelle (toujours soft j’entends)…

    Le tout est ensuite, si on applique vos dires, d’arriver à se contrôler.

    Tout est donc entre les mains des parents (c’est le cas de le dire) ! ;-)

    Encore merci à vous !

  10. ah et parfois, ça part tout seul, sans faire mal, ce n’est pas le but … moi je suis en train de lire « eduquer sans punitions ni recompenses », tu vois, ça va encore plus loin … je n’en suis qu’au début, je te tiens au courant si ça t’intéresse ….

  11. Oui, Sounie, cela m’intéresse beaucoup !
    La punition est justement un sujet que j’avais envie de soumettre très prochainement dans la rubrique du mercredi

  12. Merci, Monsieur Maurel, d’avoir pris le temps de nous répondre plus amplement. Apparemment, nos commentaires sur l’éducation par le dialogue ont dû se croiser. ;-)

  13. Je reviens m’exprimer, parce que certaines de vos réponses ne me font réagir que maintenant ;-)

    => Concernant le sentiment d’agression et le stress :
    — Le « c’est pour ton bien » ne signifie pas à mon sens qu’on ne fait pas mal à l’enfant : on peut savoir lui faire mal en pensant que c’est pour son bien ! Or, donner une tape en maîtrisant son geste suffisamment pour qu’elle ne claque pas, c’est, pour moi, ne pas faire mal (idem pour la fessée destinée à l’enfant qui porte encore des couches, elle ne fait pas mal, et c’est peut-être même le cas aussi avec des vêtements).
    — L’agression/stress : l’enfant présenterait ce sentiment et cette réaction vis-à-vis de la punition corporelle, mais qu’en est-il des autres punitions ? A la réflexion, se faire tout simplement gronder verbalement peut également être ressenti comme une agression et générer du stress. De même que pour une « mise au coin » ou autres formes de punitions. L’enfant qui a momentanément l’impression de ne plus être aimé comme d’habitude peut être stressé, sans que le paramètre « punition corporelle » intervienne…
    L’enfant en est d’ailleurs conscient parfois : en faisant telle ou telle bêtise, il peut savoir à l’avance que c’en est une et prévoir la réaction de ses parents, ce qui augmente le stress lorsque la bêtise est découverte, parce que l’enfant s’attend au pire…

    Par conséquent (et pour rebondir sur le dernier commentaire d’Emanu124) :

    => L’enfant ne semble pas traumatisé après-coup (quelques punitions corporelles « soft », qui ont échappées aux parents, donc non « normalisées » ne traumatisent pas si elles possèdent ces caractères, peut-être est-ce ce genre de punitions dont tu parles, Emanu124 ?), mais peut-être a-t-il été sur le moment : apeuré, effrayé, en larmes… (comme il peut l’être, je le disais plus haut, lorsqu’il est grondé sans punition corporelle).

    Donc :

    => Ce que le parent doit ressentir en utilisant cette punition corporelle a peut-être plus de chances d’entraîner une prise de conscience du geste (lever la main sur la chair de sa chair, à qui on ne ferait jamais de mal si on le pouvait), que d’essayer d’expliquer ce que ressent l’enfant (le sait-on vraiment ?), sentiment que l’on oublie (je rappelle le nombre occasionnel de punitions corporelles utilisées) en vieillissant et qui ne nous traumatise effectivement pas ?

    Je ne dis pas que ces remarques sont justes ou fondées, simplement elles me questionnent… ;-)

  14. Juste en passant, de mon côté, un petit souvenir pas si vieux:

    Plutôt que d’ajouter « soft » constamment à « punition corporelle » ne pourrait simplement se passer de ces punitions corporelles ?
    Couche ou pas couche, il faut voir le visage d’un enfant la première fois que tu lui « tapotes » le postérieur ou la main en disant « non, ne fais pas ça ». J’ai constaté qu’il y a un vrai temps d’arrêt de l’enfant en bas âge qui ne se dit pas sur l’instant » j’arrête parce que je fais une bêtise » mais il/elle s’arrête avec une mine défaite pendant quelques secondes « pourquoi maman me tape les fesses ou la main ? Pourquoi elle veut me faire mal ? Comment peut-elle me faire ça à moi ? C’est maman, celle qui me protège et me donne tout l’amour » L’enfant lève des yeux incrédules vers toi, consternés et là, tu peux avoir honte de ton geste qui, pourtant n’a créé aucune douleur physique. C’est le geste qui compte avant tout. De par ce geste, tu montres tout à coup à ton enfant que tu peux lui faire mal et ils peuvent te raconter que c’est très perturbant pour eux si tu as la chance de pouvoir créer un dialogue après cette première tape.
    Ou alors j’ai des enfants trop sensibles ;-)
    Ceci dit, peut-être que beaucoup de parents oublient aussi cette première « tapote » sur la main ou sur la couche qu’ils donnent quand l’enfant n’a qu’un an (ou moins ou plus) car, pour eux, cela ne correspond à une vraie baffe ou à une vraie fessée, mais il est vraiment très intéressant de s’arrêter à ce moment-là et de décomposer les réactions de nos enfants, des réactions très animales, pour mieux se rendre compte qu’on est complètement à côté de la plaque.

  15. Euh… ca n’a pas forcément grand’chose à voir avec tes précédentes réflexions, Poumok, mais j’avais envie de parler de cette 1ere fois bien anodine mais si révélatrice ;-)

  16. Juste un mot car Mr Maurel précise bien dans son livre que  » le fait que ce livre porte surtout sur la violence physique ne signifie pas que les autres formes de violence soient plus tolérables ».

  17. Encore un rajout (décidément, Poumok, va falloir que nous allions boire un mojito un de ces jours pour parler de tout ceci ;-) ):
    On ne peut en aucun cas prétendre à mon avis que des punitions corporelles occasionnelles ne marquent pas, ne traumatisent pas un enfant car tout être est différent. Un parent élevé à la dure qui te dit qu’il n’en est pas mort et qui donc va justifier ainsi les quelques baffes occasionnelles qu’il donne à ses enfants ne peut être assuré que ces enfants réagiront de la même manière, qu’ils ne seront pas plus affectés par ces gestes.
    Ensuite, si tu demandes à ton enfant s’il a mal vécu certaines punitions, il a de fortes chances de te dire que tout va bien. Même adultes, nous avons bien du mal à dire à nos parents, face à face, que leur éducation a parfois eu des « ratés ». Est-ce parce qu’on a peur d’eux ? Pas forcément, c’est surtout parce qu’on se conditionne, dès notre plus tendre enfance, à ne pas remettre en question les actes de nos parents envers nous. Remettre en question la façon dont nos parents nous éduquent et nous aiment quand on est tout petit doit être quelque chose de très perturbant, impossible même dans une petite tête d’enfant (d’où mon exemple de la toute première petite tape sur la main). On se conditionne donc dès notre première année de vie à concevoir des choses comme normales, acceptées puisque venant de nos parents.

  18. je suis un peu sceptique quant aux changements que l’on peut cependant espérer avec vos livres, sans doute parce que comme je le disais dans un commentaire à propos de l’article sur votre premier livre, le parent lambda n’est pas choqué autant que vous par la punition corporelle

    Je ne suis heureusement pas le seul à essayer de faire changer les choses. Aujourd’hui, toutes les institutions internationales (UNICEF, UNESCO, Comité des droits de l’enfant, Conseil de l’Europe, Organisation mondiale de la santé) demandent à tous les Etats d’interdire les punitions corporelles et humiliantes. Les Etats s’y sont d’ailleurs engagés en signant et ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant, convention dont l’article 19 leur fait un devoir de protéger les enfants contre toute forme de violence. 24 Etats, dont 19 européens ont déjà franchi le pas. Et dans celui qui l’a franchi le premier, la Suède, en 1979, on constate de nettes améliorations dans le domaine de la maltraitance, des décès d’enfants par maltraitance, de la toxicomanie, de l’alcoolisme, du taux des suicides. La France est restée très réticente, mais cette année, pour la première fois, la Défenseure des enfants, Dominique Versini, a nettement pris parti en faveur de l’interdiction.

    Sont-ils traumatisés ? Apparemment pas que je sache.
    M’en veulent-ils ? Visiblement pas plus que ça.

    En ce qui concerne le deuxième point, quand les punitions que subissent les enfants ne dépassent pas le seuil toléré dans la société où ils vivent, ils n’en veulent en général jamais à leurs parents, même quand ils sont frappés à coups de bâton. J’en ai reçu de nombreux témoignages. Ils s’en veulent plutôt à eux, et beaucoup y perdent leur confiance en eux-mêmes.
    Quant aux traumatismes, on peut penser, effectivement, que des punitions corporelles de faible intensité peuvent difficilement causer des traumatismes. Ils peuvent, en tout cas, ne pas être apparents. Mais, à mon avis, il y a un signe de traumatisme qui demeure chez la majorité des gens qui ont été frappés, même faiblement, c’est qu’ils trouvent normal qu’on frappe les enfants. Ils trouveraient pourtant tout à fait anormal que leur patron les frappe en cas d’erreur professionnelle, ou qu’un policier les frappe en cas d’infraction au code de la route beaucoup plus grave que les infractions à notre code de bonne conduite pour lesquelles nous frappons les enfants. On pense en général : c’est parce que les enfants ne peuvent pas comprendre. Mais alors, serait-il normal de frapper les handicapés mentaux qui ne comprennent pas non plus ? Ou les personnes âgées atteintes d’Alzheimer ou devenues séniles ? Non, bien sûr. C’est pourquoi je crois que notre acceptation du fait de frapper les enfants vient essentiellement du fait que nous avons été frappés nous-mêmes et en quelque sorte insensibilisés au fait qu’on frappe les enfants. Nous étions si jeunes quand nous avons reçu nos premiers coups de la main des personnes que nous aimions le plus et dont nous pensions qu’elle nous aimaient, qu’au plus profond de nous-mêmes nous ne pouvons pas leur donner tort et nous trouvons donc normal de frapper les enfants, alors que nous trouvons inacceptable qu’on frappe qui que ce soit d’autre.

  19. Bon alors, avant tout, je veux juste repréciser qu’idéalement, je suis tout comme vous pour ne pas utiliser la punition corporelle, et que ces réflexions (précédentes et à venir) sont un peu celles de l’avocat du diable entre moi-même et moi-même (le moi-même qui est d’accord avec vous spontanément, et le moi-même qui vient de prendre conscience de certaines choses et qui a besoin de temps pour les analyser !)

    @ Flannie : je suis bien d’accord que le geste compte autant que la douleur ! Simplement, un enfant qui a fait une bêtise sans le savoir sera tout aussi surpris de se faire gronder fermement que de recevoir une fessée, et tu devrais pour retrouver l’expression du visage dont tu parles… (notamment chez les plus petits).

    Si j’utilise le « soft » après « punition corporelle », c’est parce que je trouve ces mots assez durs comparés aux quelques tapes données par des parents, tapes occasionnelles non considérées comme « normales », comme disait M. Maurel. J’aimerais pouvoir croire que, même s’il faut bannir ces punitions, en donner une par réflexe dans un moment de « trop » peut être réparable auprès de l’enfant (ce que l’on disait hier). Si c’est réparable, j’estime que le mot « soft » a sa place, par rapport à ce qui ne le serait pas… (il y a peut-être un meilleur mot, mais il ne me vient pas à l’esprit).

    Quand tu parles des « autres formes de violences », tu parles de quoi ? Du « grondage » justement ??

    Remettre en question l’éducation de nos parents, on ne le peut certes pas étant enfant (pas de point de comparaison, pas assez de maturité, pas assez de réflexion…), mais on le peut plus tard. Si on le peut pour d’autres choses, voire même d’autres punitions va savoir, pourquoi est-ce si dur pour la punition corporelle ? (je ne remets pas en cause ta remarque, je me pose juste une énième question )

    @ M. Maurel : Tant mieux si des insitutions nationales et des gens concernés en France s’attachent désormais à la question, mais mon scepticisme se posait envers le français lambda… ;-) Certes il se posera lui aussi des questions si la loi change, mais ça prendra du temps de bouleverser les « petites lois personnelles » de chacun…!

    Je crois que les arguments les plus poignants (en tout cas en ce qui me concerne) sont : celui de l’histoire de la punition corporelle, inscrite en nous de générations en générations par les modèles que sont des parents pour leurs enfants, même inconsciemment, et celui du « si on ne tape pas les adultes/personnes âgées/handicapés/…, alors on ne tape pas les enfants ».

    Merci encore de prendre tout ce temps pour nous !

  20. Quand je parle des autres formes de violences, je pense à : hurler sur l’enfant, le mettre au coin dans un endroit où beaucoup de monde passe pour bien humilier (là, je pense à l’école), enfermer l’enfant dans une pièce dans le noir, ne plus lui parler comme disait Sophie, le priver de nourriture, le faire tenir très longtemps dans une position….

  21. Pour en revenir à la 1ere fois où l’on gronde un enfant (Je ne suis pas réveillée. Je réponds par micro bouts), quand tu dis à un petit 20 fois de suite ne pas mettre ses doigts dans la prise et que tu commences à prendre un ton bien ferme, il ne semble pas aussi surpris - aussi petit soit-il - que quand tu lui tapes la main la 1ere fois.

  22. Ah ben si c’est après 20 fois, c’est sûr qu’il n’est pas surpris !! (encore que si d’un coup tu le déplaces loin de la prise qui lui plaisait tant, il risque d’être quand même bien contrarié).
    Mais si tu arrives dans sa chambre et que tu le surprends en train de repeindre ses murs fraîchement refaits au feutre indélébile, là tu vas criser d’un coup et il va être surpris ! (mais je ne souhaite pas que cela t’arrive ! ^^)

    Une autre question M Maurel : peut-être la traitez-vous dans votre livre (que je ne manquerai pas d’acquérir après ces discussions !), mais que pensez-vous de la menace de punition corporelle ?
    Par exemple, un parent qui voudrait arrêter une colère ou un caprice en disant « Tu veux une fessée ?? » ou « ça suffit sinon c’est la fessée ! ».

    (peut-être l’enfant qui n’en a jamais reçu s’en fichera royalement, de cette menace, mais signifie-t-elle malgré tout quelque chose ? Même si on ne l’applique pas, est-elle cependant condamnable par la formulation de violence dont un parent pourrait être capable ?)

  23. Certes (le citoyen lambda) se posera lui aussi des questions si la loi change, mais ça prendra du temps de bouleverser les “petites lois personnelles” de chacun…!

    Bien sûr qu’il faudra du temps, mais en Suède, par exemple, l’évolution de la majorité des parents s’est faite assez rapidement, disons sur 20-25 ans, je n’ai plus les chiffres en tête. De bonnes campagnes d’information, du genre de celles qui ont été faites dans les pays scandinaves, avec un soutien actif aux parents pourraient beaucoup y aider.

    mais que pensez-vous de la menace de punition corporelle ?
    Par exemple, un parent qui voudrait arrêter une colère ou un caprice en disant “Tu veux une fessée ??” ou “ça suffit sinon c’est la fessée !”.

    Je crois que le bon critère pour trouver une réponse à ce genre de question, c’est de se demander comment on réagirait soi-même si quelqu’un qui a ou qui considère avoir un pouvoir sur nous nous faisait ce genre de menace avec une possibilité réelle d’exécution. Nous sentirions-nous en confiance avec ce quelqu’un ? Cette menace nous donnerait-elle confiance en nous-même ? En fait par rapport à cette menace, il n’y a que trois attitudes possibles : la soumission par lâcheté, pour ne pas recevoir le coup promis, la provocation (« De toutes façons, même pas mal ! »), ou l’hypocrisie (« Je ferai mes coups en douce »). Il ne me semble pas que ce soit le genre de réactions auxquelles nous devons habituer nos enfants.

  24. Merci M.Maurel pour votre participation si pédagogique au débat (qui semble clos, d’ailleurs, je suis un peu à la bourre…). Juste pour apporter mon témoignage qui semble assez représentatif :

    - JAMAIS frappée dans mon enfance, la seule fessée reçue par ma fratrie (4 enfants) a été attribuée à ma soeur, pour cause de caprice dans un avion. Ca fait donc bien 25 ans et mes parents n’ont pas encore expié… C’est dire !

    - Mère à mon tour, ce type de violence ne me semblait donc ni éducative, ni ordinaire. Complètement débile même. Ma fille étant plutôt cool, je n’ai pas eu de mal à respecter mes principes, en accord avec mon amoureux.

    - Mon fils arrive alors, plus speed, façon « usine à conneries »… A moins que nous ne fussions moins patients ? Son père (qui lui n’a pas eu des parents 68ards) lui donne un jour une petite tape de rien du tout qui fait pas mal. Et un autre jour aussi. Et puis un jour, c’est moi. Et un autre jour encore, ma fille reçoit aussi une petite fessée. « Mais ils ne comprennent rien d’autre, aussi ! » nous justifions-nous mutuellement quand ça arrive.

    - Et voilà, la violence éducative ordinaire, on y est. Bien entendu, c’est très occasionnel. Evidemment, on préfère dialoguer. Certes, on ne leur fait pas mal (quoique !). Mais on y est quand même.

    - Un beau jour, je lis « Le Théorème de l’Escarpin », et prends conscience de cette lente escalade. Et de ma connerie latente. Et qu’ayant été élévée sans violence, je n’ai aucune excuse. Et je me souviens de ce en quoi je crois, et me calme illico.

    BILAN : mes enfants vous remercient infiniment pour ce livre et ce débat !

    PS : J’ajouterais que le comportement des parents n’est sans doute pas le même envers les filles et les garçons (qu’on frappe plus facilement). Il y a mon expérience, certes, mais aussi le très instructif et passionnant « Du côté des petites filles » d’Elena Gianni Belotti.

  25. Je me posais la question sur les comportements que nous avions avec les garçons et les filles pas plus tard qu’hier….
    Merci pour ton commentaire, Aline !
    Je note la référence du livre d’Elena Gianni Belotti.

  26. Même genre de situation que pour Aline…

    On s’y retrouve un beau jour sans même avoir voulu y être… Ca demande une décision consciente d’y renoncer.

    De plus, personnellement, j’adore recevoir la fessée… Ca ne peut donc pas être une punition comme une autre…

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